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centrafricain. Ce dernier ne définit que très vaguement les Pratiques de Char<strong>la</strong>tanisme et de<br />

Sorcellerie susceptibles d’être condamnées et, en s’appuyant sur cette imprécision, il peut<br />

s’appliquer à un ample spectre de situations accusatoires dans lesquelles l’interprétation des<br />

juristes centrafricains est déterminante 410 (Geschiere parle à ce propos d’une terminological<br />

inconsistency, 2006a : 100 ; lire aussi Fisiy et Geschiere, 2001 : 237-240).<br />

Tant dans le discours de nos interlocuteurs que dans les tribunaux centrafricains et<br />

dans l’analyse ethnographique, c’est le concept de « mystique » qui est crucial et qui fait<br />

d’une activité suspecte, d’un geste ou d’un objet l’indice de l’appartenance au monde des<br />

sorciers et des métamorphoseurs. Autrement dit, <strong>la</strong> personne accusée accomplit en premier<br />

lieu un geste que ses voisins jugent « mystique », ou elle manifeste un comportement qui est<br />

définit « mystique » 411 , et successivement l’accusation de sorcellerie ou de métamorphose est<br />

formulée. En Centrafrique on assiste à un usage obsessionnel du terme « mystique » :<br />

l’exemple qui suit est extrait de l’un des principaux quotidiens diffusés à Bangui.<br />

Le 25 avril 2006, l’auteur de l’article de chronique banguissoise « Un cœur humain en<br />

attente d’être mangé : une étourdissante affaire de sorcellerie » pose aux lecteurs du quotidien<br />

























































<br />

animaux ? La plupart des cas jugés au Tribunal de Bambari concernerait des PCS (ce qui est confirmé par nos<br />

enquêtes au Tribunal et à <strong>la</strong> Prison de <strong>la</strong> ville) : le Capitaine D. a dû intervenir à plusieurs reprises pour accélérer<br />

certaines procédures, <strong>la</strong> présence des sorciers en garde à vue étant mal vue par les familles des militaires qui<br />

habitent dans l’enceinte de <strong>la</strong> Gendarmerie (entretien recueilli à Bambari, le 18 avril 2006). Sur le nombre de<br />

personnes emprisonnées pour « sorcellerie » en République centrafricaine, voir aussi de Rosny (2005 : 173-175).<br />

410 Les articles du Code Pénal centrafricain ne se préoccupent pas de distinguer entre une pratique de sorcellerie<br />

et le char<strong>la</strong>tanisme. Pourtant, en Centrafrique, cette distinction est loin de faire l’unanimité : de nombreuses<br />

personnes nous ont expliqué que les « char<strong>la</strong>tans » seraient de faux nganga – en réalité des sorciers qui dans un<br />

premier temps attaquent avec des pouvoirs mystiques leurs victimes et successivement leur proposent des soins.<br />

Ils en profiteraient ainsi pour augmenter leur gain. On voit dans cet exemple que <strong>la</strong> notion de « char<strong>la</strong>tanisme »,<br />

n’étant pas spécifiée, a été incorporée dans l’imaginaire de <strong>la</strong> sorcellerie. Concrètement, cette idée trouve son<br />

application dans le fait que des « char<strong>la</strong>tans » sont condamnés aux mêmes peines de détention des « sorciers ».<br />

Ce mécanisme « englobant » de <strong>la</strong> logique sorcel<strong>la</strong>ire semble échapper à de nombreux sujets impliqués dans les<br />

actions institutionnelles contre <strong>la</strong> sorcellerie, en Afrique équatoriale et ailleurs. Ainsi, <strong>la</strong> Conférence Épiscopale<br />

Centrafricaine lors d’une réflexion menée en 1997 autour de <strong>la</strong> sorcellerie en RCA (voir de Rosny, 2005) a écrit<br />

justement que les articles du Code Pénal mettent sur le même p<strong>la</strong>n sorcellerie et char<strong>la</strong>tanisme mais sans les<br />

définir nulle part (1997 : 35). Les Évêques spécifient aussi qu’ils ne traduisent pas nganga (le guérisseur<br />

traditionnel) par char<strong>la</strong>tan, « terme péjoratif pour désigner un imposteur qui abuse de <strong>la</strong> crédulité publique »<br />

(ibid. : 45). Cependant, ils ne s’arrêtent eux non plus sur cette distinction, en préférant rappeler que<br />

« L’anthropologue ou le sociologue ont leurs définitions (...) des croyances popu<strong>la</strong>ires, tant pour le char<strong>la</strong>tanisme<br />

que pour <strong>la</strong> sorcellerie. On dira le plus souvent : « le sorcier (<strong>la</strong> sorcière) est une personne habitée par un pouvoir<br />

maléfique qui le pousse à nuire, à détruire, à tuer : pouvoir occulte, caché, intime » (ibid. : 35). Un Projet de Loi<br />

« Portant Organisation de l’Exercice de <strong>la</strong> Médecine Traditionnelle en République Centrafricaine » dans l’attente<br />

de discussion à l’Assemblée Nationale réitère cette logique, en spécifiant : « Aux termes de <strong>la</strong> présente Loi, on<br />

entend par (...) char<strong>la</strong>tan : toute personne qui exploite à tort <strong>la</strong> crédulité du public en vantant sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />

publique et/ou dans les médias, ses fausses qualités et celles des vertus de ses recettes ». Pour tout dire, une telle<br />

définition exige que <strong>la</strong> « fausseté » du char<strong>la</strong>tanisme soit définie par rapport à une « vérité » qui n’est pas<br />

spécifiée.<br />

411 Anne Retel-Laurentin écrit à propos des Nzakara : « Nous dirions même, à <strong>la</strong> limite, que dans un contexte<br />

d’hostilité, marmonner peut faire soupçonner <strong>la</strong> sorcellerie. Le caractère de <strong>la</strong> démarche orale au cours de<br />

<strong>la</strong>quelle s’é<strong>la</strong>bore <strong>la</strong> révé<strong>la</strong>tion semble donc jouer un rôle dans <strong>la</strong> crédibilité de <strong>la</strong> révé<strong>la</strong>tion » (1974b : 297). La<br />

« révé<strong>la</strong>tion » dont il est question dans l’étude de Retel-Laurentin est celle du devin qui est consulté par son<br />

public lors d’un cas dont on suspecte <strong>la</strong> provenance « sorcel<strong>la</strong>ire » mais on ne connaît pas le coupable.<br />

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