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télécharger la thèse - fasopo

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(Hountondji, 1994 : 6). Rappelons ici que pour Paulin J. Hountondji (1994 ; 1995),<br />

l’extraversion scientifique possède – entre autres – un versant proprement théorique : le fait<br />

que les travaux des chercheurs et des intellectuels africains sont « toujours davantage lus et<br />

connus dans le nord que dans le sud ; le fait plus grave encore, que cette circonstance, (…)<br />

soit toujours (…) intériorisée par nos savants eux-mêmes, au point d’infléchir l’orientation et<br />

le contenu de leurs travaux, en déterminant le choix de leurs thèmes de recherche et des<br />

modèles théoriques (…) » (1994 : 6 ; voir aussi Ca<strong>la</strong>me, 2002 : 62). Mais dans une deuxième<br />

acception, cette « extraversion scientifique » est aussi une forme de « tourisme<br />

scientifique » en direction nord-sud : « Le mouvement qui conduit vers un pays de <strong>la</strong><br />

périphérie le chercheur du pays industrialisé n’a jamais <strong>la</strong> même fonction que le mouvement<br />

inverse. Le savant européen ou américain ne va pas chercher <strong>la</strong> science au Zaïre ou au Sahara,<br />

mais seulement des matériaux pour <strong>la</strong> science et, le cas échéant, un terrain d’application pour<br />

ses découvertes » (ibid. : 9) 165 . Plus récemment, Florence Bernault a écrit que « aujourd’hui<br />

pas plus que hier, le continent ne parvient pas à s’imposer comme un foyer producteur de<br />

normes épistémologiques. Les concepts continuent de s’y importer dans le seul sens nord-sud<br />

(…) mais l’aller-retour fonctionne mal, ou pas du tout » (2001 : 128). Par ailleurs, cet aller-<br />

retour « raté » définit l’une des provocative situations qui caractérisent l’ethnographie de <strong>la</strong><br />

sorcellerie : le chercheur en Afrique équatoriale est « pris » dans le mécanisme de <strong>la</strong><br />

sorcellerie à plusieurs niveaux (Favret-Saada, 1977), dont l’épistémologique n’est pas<br />

secondaire. Pour ne nous référer qu’à notre expérience de terrain 166 , tandis que le discours<br />

ethnographique s’aventure dans une conceptualisation du « fait de sorcellerie » – à travers des<br />

formules parfois foucaldiennes, d’autre fois à <strong>la</strong> Austin et ainsi de suite – <strong>la</strong> provocation<br />

























































<br />

165 On pourra compléter ces observations de Paulin J. Hountondji avec l’opinion d’Achille Mbembe à propos des<br />

analyses politiques et économiques occidentales qui réduisent <strong>la</strong> complexité du continent africain à une histoire<br />

de « crise », ainsi que sa discussion autour de « <strong>la</strong> pauvreté des questions posées au réel africain » (1990 : 7-9).<br />

Surtout, on pourra mieux mesurer, maintenant, <strong>la</strong> vérité profonde des observations de Jeanne Favret-Saada à<br />

propos du fait « qu’il est (...) incroyable d’informer un ethnographe (...) qui demande naïvement à savoir pour<br />

savoir ». Le leitmotiv sur le fait que, une fois rentrés en Europe, nous écrirons un gros livre sur « <strong>la</strong> sorcellerie<br />

banda » et nous deviendrons riches a accompagné toutes nos enquêtes de terrain. Pour tout dire, cette idée est<br />

partie en cause dans <strong>la</strong> « rhétorique de <strong>la</strong> dépossession ». Lire aussi Wiel Eggen, à propos des Banda des années<br />

70 : « Vous écrirez un livre sur nous et vous serez riche » (1976 : 4). Pour une interprétation de ce leitmotiv, voir<br />

plus loin l’étude de cas sur le nganga possédé par « <strong>la</strong> sirène » Simone, et son rapport ambigu avec nos cahiers<br />

d’enquête. Sur le thème de <strong>la</strong> recherche d’une « différence » et une « spécificité » africaines, en littérature mais<br />

politiques aussi, à partir de <strong>la</strong> « négritude » jusqu’aux années 80, on lira Mudimbe (1988 : 96-110).<br />

166 Les observations qui suivent trouvent leur origine dans <strong>la</strong> réflexion que nous suscita le colloque La<br />

sorcellerie en Centrafrique aujourd’hui, organisé par l’Université de Bangui en 2006 : nous y présentâmes un<br />

paper consacré à « L’oralité de <strong>la</strong> sorcellerie » et aux usages « performatifs » des discours sur <strong>la</strong> sorcellerie,<br />

inspiré de <strong>la</strong> théorie des actes de <strong>la</strong>ngage de Austin. Au moment des questions, en guise de « provocation » nous<br />

dûmes répondre à une demande de renseignements sur les microscopes que les anthropologues devraient utiliser<br />

pour détecter <strong>la</strong> « substance sorcière » dans l’estomac de leurs informateurs. Notons que, en dehors de ce que<br />

nous appelons une perspective « provocatrice », cette question est difficilement interprétable : soit elle<br />

renouvelle l’impression d’une « altérité radicale », soit elle risque de réitérer une vision de <strong>la</strong> sorcellerie que<br />

Jeanne Favret-Saada qualifie de « lieu d’imbéciles » (1977 : 17).<br />

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