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de mes « blindages »]. Bon, ce que je vais faire contre vous [comme contre-attaque],<br />

vous n’allez pas le savoir… Moi je reste ici, comme ça, tout ce que vous voulez faire<br />

moi je le sais déjà. Même le Président de <strong>la</strong> République… tous ces Présidents qui<br />

voyagent, qui partent soit à Bangui, soit à Ndelé, pour apprendre… à se fortifier. S’il<br />

ne part pas, s’il reste seulement comme ça, vous allez voir : il ne peut pas faire à peu<br />

près cinq ans [il ne peut pas durer jusqu’à <strong>la</strong> fin de son mandat]. Entrée dans <strong>la</strong><br />

deuxième année, <strong>la</strong> personne n’est plus avec nous [le Président – qui ne s’est pas<br />

« blindé » – est déjà mort] »<br />

L’idée qu’un chef d’État ne peut pas accomplir à son mandat sans le soutien des<br />

nganga et de leurs « remèdes » est un leitmotiv répandu dans toute Afrique subsaharienne 156 .<br />

Romain Bertrand, qui écrit à propos de l’Indonésie, décrit ce leitmotiv comme « un imaginaire<br />

de pérégrination » qui « définit <strong>la</strong> communauté politique idéale en proposant une gamme<br />

tacite de « critères » de citoyenneté (…). Il inclut simultanément une vision idéale de l’ici de<br />

l’appartenance citoyenne (…) et une version fantasmée de l’ailleurs où prend p<strong>la</strong>ce <strong>la</strong> quête<br />

de puissance et d’autorité » (2002 : 183). À Java, continue Bertrand, « l’homme de pouvoir,<br />

dans le discours popu<strong>la</strong>ire (…) est toujours un voyageur (…). Un dirigeant politique se doit,<br />

pour prouver <strong>la</strong> légitimité de ses prétentions au droit de commandement, de se rendre<br />

régulièrement dans les kramatan [endroit sacré, lieu de dévotion] où s’acquiert <strong>la</strong> puissance<br />

magique, de fréquenter des maîtres de mystique (…) et de se fortifier en s’aventurant dans le<br />

domaine invisible du réel, où vivent les esprits » (ibid.) 157 . L’« imaginaire de pérégrination »<br />

traduit les idées courantes sur l’origine occulte du pouvoir et de <strong>la</strong> richesse, ainsi que sur les<br />

moyens à travers lesquels, seulement, ce pouvoir peut être exercé et préservé (Fisiy et<br />

Geschiere, 1993 : 99-100). À propos des nouvelles croyances à <strong>la</strong> sorcellerie apparues au<br />

Congo à partir des années 80, Rémy Bazenguissa-Ganga (à paraître) évoque explicitement <strong>la</strong><br />

figure du « sorcier étatique », c’est-à-dire « l’émergence d’un type de sorcellerie liée à<br />

l’univers étatique où les élites mangent, par cannibalisme métaphorique, le peuple » (ibid.).<br />

























































<br />

156 Jean-François Bayart souligne le caractère double et ambigu des usages politiques de <strong>la</strong> sorcellerie, à <strong>la</strong> fois<br />

vécue comme une forme de subversion et d’opposition au pouvoir, mais aussi comme instrument de pression<br />

politique et d’exercice du pouvoir : « Rares sont les dirigeants africains qui ont résisté à <strong>la</strong> tentation de confondre<br />

l’opposition et <strong>la</strong> subversion, puis <strong>la</strong> subversion et <strong>la</strong> sorcellerie » (Bayart, 1996 : 131). Pour une esquisse des<br />

« rumeurs » qui circulent autour des principaux chefs d’État africains, lire Ellis et ter Haar (2004 : 75-87).<br />

157 À propos d’un contexte historique et socio-culturel très différent – le royaume moose (mossi) du Yatenga,<br />

occupant le haut bassin de <strong>la</strong> Volta B<strong>la</strong>nche – Michel Izard a souligné qu’à l’époque précoloniale, le pouvoir du<br />

roi se construisait à travers une pérégrination circu<strong>la</strong>ire, un parcours d’investiture politique et de légitimation –<br />

compris magico-religieuse : « Le ringu est le voyage d’intronisation d’un roi nouvellement nommé, qui le<br />

conduit de <strong>la</strong> localité royale où résidait son prédécesseur à celle où il a choisi de résider suivant un parcours<br />

(conçu comme) circu<strong>la</strong>ire, balisé par une série de stations marquées par des sacrifices sur les autels de <strong>la</strong> terre<br />

dont <strong>la</strong> principale est évidemment celle où se déroule <strong>la</strong> cérémonie du sacre. À l’occasion du ringu, le nouveau<br />

roi renouvelle l’alliance du pouvoir et de <strong>la</strong> « terre » et délimite l’espace de sa souveraineté » (Izard, 2003 : 95-<br />

96).<br />

135


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