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de Lévi-Strauss dans <strong>la</strong> célèbre « Leçon d’écriture » de Tristes Tropiques (1955). La<br />

« comédie » du chef Nambikwara du Brésil, décrite par l’anthropologue français, consistait à<br />

s’approprier des pages de bloc-notes (que ni lui ni ses hommes avaient vu avant l’arrivée de<br />

Lévi-Strauss), sur lesquelles ils traçait ensuite des « lignes tortillées qu'il fit semb<strong>la</strong>nt de lire<br />

et où il cherchait, avec une hésitation affectée, <strong>la</strong> liste des objets que je devais donner en<br />

retour des cadeaux offerts » (ibid. : 339). Ce n’est donc pas le contenu de significations<br />

recelée dans les pages de nos cahiers qui intéressa <strong>la</strong> sirène Simone – lorsqu’elle proposa de<br />

nous désorceler 474 – mais le symbole de ce contenu et le simu<strong>la</strong>cre de nos connaissances. Or,<br />

ce symbole et son maniement (<strong>la</strong> capacité de « compter ») instituent une forme de violence et,<br />

même, inaugurent <strong>la</strong> violence : Lévi-Strauss écrit que le chef Nambikwara traçait des signes<br />

et montrait à ses hommes des pages « en vue d'une fin sociologique plutôt qu'intellectuelle. Il<br />

ne s'agissait pas de connaître, de retenir ou de comprendre, mais d'accroître le prestige et<br />

l'autorité d'un individu – ou d'une fonction – aux dépens d'autrui » (ibid.). Bref, il est question<br />

de « compter », dans les deux sens de l’expression.<br />

IX. La violence de l’écriture : de Derrida à <strong>la</strong> sorcellerie équatoriale<br />

L’image de <strong>la</strong> puissance « magique » d’une écriture « prise pour une merveille »<br />

oblige à considérer (et à s’efforcer de restituer dans l’écriture anthropologique) l’ethnographie<br />

de <strong>la</strong> sorcellerie comme une « situation provocatrice » dont l’enjeu essentiel est <strong>la</strong> compétition<br />

pour le pouvoir politique (Bernault, 2005) – dans une acception qui comprend les rapports de<br />

pouvoir et d’inégalité entre les individus –, et épistémologique, c’est-à-dire <strong>la</strong> confrontation<br />

entre deux moyens d’intellection du monde social, en provocation permanente l’un avec<br />

l’autre. Le rapprochement entre ces deux structures d’intellection est ultérieurement renforcé<br />

par l’idée que l’écriture – en tant que ayo de <strong>la</strong> « science occidentale » – participe de <strong>la</strong><br />

« réversibilité » que F. De Boeck a reconnue propre à tous les remèdes/poisons et que nous<br />

observons dans les ayo banda. Dans sa lecture du Phèdre de P<strong>la</strong>ton (1972), Jacques Derrida<br />

s’arrête sur le concept de φαρµακον , avec lequel P<strong>la</strong>ton désigne l’écriture : « Ce pharmakon,<br />

cette « médecine », ce philtre, à <strong>la</strong> fois remède et poison, s’introduit déjà dans le corps du<br />

discours avec toute son ambivalence » (1972 : 78). L’ambivalence des remèdes et des poisons<br />

– leur « polysémie régulée » – permet de traduire <strong>la</strong> notion de pharmakon par de nombreux<br />

termes : poison, drogue, philtre mais aussi remède et médicament. Grâce à l’intrusion d’une<br />

logique qui ne tolère pas le passage entre les deux sens d’un même terme, ces qualifications<br />

























































<br />

474 Sur l’« invention » du mot désorceler, lire de Rosny (1992 : 105).<br />

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