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télécharger la thèse - fasopo

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Dans <strong>la</strong> rhétorique de <strong>la</strong> dépossession l’idée d’une fracture qui sépare un moment<br />

présent du passé est implicite : on ne peut être dépossédé que de quelque chose dont on<br />

disposait au préa<strong>la</strong>ble (ou dont on pense qu’on disposait au préa<strong>la</strong>ble). Dans ce sens, <strong>la</strong><br />

dépossession n’est pas – seulement – un manque, une « absence présente ». Au contraire, elle<br />

implique toujours une dimension diachronique qui, à travers l’expérience de <strong>la</strong> perte, sépare<br />

un moment passé de plénitude d’un présent de privation 11 . Autrement dit, <strong>la</strong> rhétorique de <strong>la</strong><br />

dépossession, en tant que discours émique sur le rapport entre le présent et le passé, dénonce<br />

et mesure une trajectoire d’appauvrissement culturel. Sur ce point, des précisions s’avèrent<br />

nécessaires : on entrevoit ici une question épistémologique sur <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> recherche<br />

anthropologique récente continue de s’interroger. Nous nous limitons à esquisser les termes<br />

de ce débat sur lequel nous reviendrons longuement par <strong>la</strong> suite.<br />

Depuis une vingtaine d’années, <strong>la</strong> recherche anthropologique a rep<strong>la</strong>cé l’analyse de <strong>la</strong><br />

sorcellerie dans l’appréhension plus <strong>la</strong>rge de <strong>la</strong> modernité africaine. Des anthropologues et<br />

des politistes ont mis l’accent avant tout sur l’apparition de nouvelles formes de sorcellerie<br />

dans de différents contextes africains (Comaroff & Comaroff, 1993 ; Geschiere, 1995 ;<br />

Row<strong>la</strong>nds et Warnier, 1988). La croyance à <strong>la</strong> sorcellerie, maintenant constituée en<br />

composante de <strong>la</strong> « modernité africaine » (Tonda, 2000 : 48), est appréhendée comme<br />

« principe par excellence reliant les inégalités nouvelles, qui se reproduisent à une échelle<br />

inédite, aux rapports familiers de <strong>la</strong> maison et de <strong>la</strong> parenté » (Geschiere, 1995 : 18). D’où <strong>la</strong><br />

nécessité de nous interroger sur les rapports entre les manifestations nouvelles de <strong>la</strong><br />

sorcellerie et les inégalités « modernes » qui travaillent les sociétés africaines. Comme le<br />

résument Florence Bernault et Joseph Tonda : « Il semble d’abord y avoir un re<strong>la</strong>tif consensus<br />

sur le fait que <strong>la</strong> sorcellerie moderne est liée à l’impact de <strong>la</strong> globalisation (…) et que sa<br />

nature ambivalente provient de l’articu<strong>la</strong>tion entre des valeurs anciennes, traditionnelles et<br />

locales, et les nouveaux flux du commerce interrégional et international… » (2000 : 6). Tout<br />

en reconnaissant <strong>la</strong> valeur de ce recentrage scientifique, nous estimons que cette approche des<br />

« faits de sorcellerie » sous-estime l’importance de l’interprétation du passé dans les<br />

croyances actuelles à <strong>la</strong> sorcellerie. Autrement dit, <strong>la</strong> vitalité du discours sorcier nous semble<br />

dériver de sa capacité à situer les tensions individuelles et collectives au sein d’une « histoire<br />

longue ». Ce discours « n’est pas seulement une interprétation mystique de <strong>la</strong> globalisation<br />

par le bas » (Bernault, 2005 : 34), mais il est également un repaire de mémoires. Comme<br />

























































<br />

11 Selon Aristote (Métaphysique, 1004a, 16) <strong>la</strong> privation se distingue de l’absence, parce qu’elle renvoie à <strong>la</strong><br />

forme dont il y a privation, qui s’éprouve par son manque même (voir Agamben, 2008 : 79).<br />

16


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