Consulter le texte intégral de la thèse - Université de Poitiers
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3.1.4 L’équilibre retrouvé<br />
Afin <strong>de</strong> mieux faire comprendre au <strong>le</strong>cteur cette pério<strong>de</strong> romaine et sa quête d’équilibre, Erri<br />
De Luca fait un rapport entre l’alcool et <strong>le</strong> fait <strong>de</strong> courir sans chaussures orthopédiques. Il nous<br />
raconte que si l’année 1968 est une mauvaise année pour <strong>le</strong> vin, el<strong>le</strong> est excel<strong>le</strong>nte pour <strong>le</strong> handicap<br />
dont il souffrait à propos <strong>de</strong> ses pieds « Si può far terremoto coi piedi » 1 , dira-t-il. Il court, il court<br />
dans <strong>le</strong>s rues <strong>de</strong> Rome, il crie sa rage tout comme sa joie <strong>de</strong> vivre, il hur<strong>le</strong> <strong>le</strong> mot δίκη pour <strong>le</strong>s<br />
autres. Il a enfin <strong>de</strong>s frères, lui qui n’en avait jamais eu, il peut tout partager avec eux. Grâce au<br />
communisme s’ouvrent à lui l’amitié, <strong>la</strong> solidarité, <strong>la</strong> communauté <strong>de</strong> biens. Ces va<strong>le</strong>urs<br />
représentent sa vraie famil<strong>le</strong>. Cette année-là n’est point « una sbronza » généra<strong>le</strong> car Erri De Luca<br />
ne boit pas d’alcool, et peut enfin marcher et courir sans chaussures orthopédiques et sans vacil<strong>le</strong>r.<br />
L’année 1968 est une gran<strong>de</strong> année, l’année <strong>de</strong> l’assise <strong>de</strong> ses pieds. Et ce sont ses camara<strong>de</strong>s qu’il<br />
remercie pour ce bienfait :<br />
La versione ufficia<strong>le</strong> è che fu un’ubriacatura. So che <strong>le</strong> sbronze fanno vacil<strong>la</strong>re. L’anno ’68, diciottesimo mio,<br />
al<strong>la</strong> mia andatura dà ancora, invece un fondamento 2 .<br />
Si autrefois Erri De Luca se sentait comme « imbottigliato », il a découvert <strong>le</strong>s vertus <strong>de</strong><br />
l’amitié qui l’a sorti <strong>de</strong> sa torpeur napolitaine. Il a extrait « <strong>la</strong> mouche » <strong>de</strong> <strong>la</strong> bouteil<strong>le</strong> 3 . L’équilibre<br />
retrouvé est dû en gran<strong>de</strong> partie à <strong>la</strong> confraternité du mouvement Lotta Continua : tous sont unis,<br />
chacun d’entre eux connaît <strong>le</strong> visage, <strong>le</strong> prénom et <strong>la</strong> voix <strong>de</strong> son camara<strong>de</strong>. Dans <strong>le</strong> groupe qu’ils<br />
forment, l’entrai<strong>de</strong> est <strong>de</strong> rigueur : <strong>le</strong>s jeunes militants portent secours matériel<strong>le</strong>ment et<br />
mora<strong>le</strong>ment à <strong>le</strong>urs camara<strong>de</strong>s hospitalisés, enfermés, nécessiteux ou en fuite. Lotta Continua a pour<br />
effet <strong>de</strong> rendre chacun <strong>de</strong> ses membres, euphorique et insomniaque. Selon nous, cette façon <strong>de</strong> faire<br />
permet à Erri De Luca <strong>de</strong> compenser l’histoire trop vite écourtée d’un père vaincu sans avoir<br />
combattu. Ce <strong>de</strong>rnier col<strong>la</strong>bore d’ail<strong>le</strong>urs avec <strong>le</strong> mouvement, en protégeant <strong>de</strong>s militants jugés par<br />
contumace tel Giorgio Pietrostefani. Par conséquent, <strong>le</strong> fils ne renie pas, mais renoue avec ses<br />
origines :<br />
1<br />
ERRI DE LUCA, In memoria di un estraneo, in Lettere da una città bruciata, op. cit. , p. 6. Trad. (On peut faire<br />
tremb<strong>le</strong>r <strong>la</strong> terre avec ses pieds)<br />
2<br />
ERRI DE LUCA, Urti, in Altre prove di risposta, op. cit. , p. 53. Trad. (La version officiel<strong>le</strong> est que ce fut une cuite.<br />
Je sais que <strong>le</strong>s cuites font vacil<strong>le</strong>r. L’année 1968, ma dix-huitième, donne encore un fon<strong>de</strong>ment à mon allure); ERRI<br />
DE LUCA, Lettere a Angelo Bo<strong>la</strong>ffi sull’anno sessantottesimo <strong>de</strong>l mil<strong>le</strong>novecento, op. cit. , p. 46. “La versione ufficia<strong>le</strong><br />
è che fu un’ubriacatura. Né tu né io <strong>la</strong> pensiamo così. Io in quell’anno ero pure astemio. Le sbronze fanno barcol<strong>la</strong>re,<br />
mentre a me capita, al pensiero di quel tempo, di sentire in corpo una sal<strong>de</strong>zza e di essere <strong>de</strong>bitore di equilibrio ai molti<br />
di allora” Trad. (La version officiel<strong>le</strong> est que ce fut une cuite. Ni toi ni moi, nous ne pensons ainsi. Moi, cette année-là<br />
je ne buvais pas d’alcool. Les cuites font aussi chance<strong>le</strong>r, alors qu’à moi, en songeant à ce temps-là, il m’arrive, <strong>de</strong><br />
ressentir dans mon corps une solidité et d’être débiteur d’équilibre à nombre <strong>de</strong> gens <strong>de</strong> ce temps-là)<br />
3<br />
I<strong>de</strong>m, p. 35. “Ero un imbottigliato, loro mi hanno dato <strong>la</strong> stura, mischiando <strong>le</strong> mie al<strong>le</strong> loro bollicine” Trad. (J’étais<br />
bouché, eux, ils m’ont débouché en mé<strong>la</strong>ngeant <strong>le</strong>urs bul<strong>le</strong>s aux miennes) Allusion à La mosca nel<strong>la</strong> bottiglia <strong>de</strong><br />
Raffae<strong>le</strong> La Capria, Mi<strong>la</strong>no, Rizzoli, 1996.<br />
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