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Consulter le texte intégral de la thèse - Université de Poitiers

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toccava <strong>le</strong> orecchie per ve<strong>de</strong>re se non c’era un guasto, mentre me lo racconta ri<strong>de</strong>. Si è rassegnato, <strong>la</strong> città è<br />

straniera 1 .<br />

Erri De Luca ne se sent pas seu<strong>le</strong>ment étranger aux lieux, il se sent éga<strong>le</strong>ment étranger à sa<br />

propre personne : <strong>le</strong> « je » du moi narrant <strong>de</strong>vient parfois un « il » narré 2 . Et pour finir, se sent<br />

encore « ospite » auprès <strong>de</strong> son <strong>le</strong>cteur 3 . Toute cette thématique n’est pas sans rappe<strong>le</strong>r L’Etranger<br />

<strong>de</strong> Camus, personnage à <strong>la</strong> fois absent du mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong> lui-même, même si dans ce cas <strong>la</strong> narration<br />

s’exprime toujours par « je ». Certes, <strong>le</strong> propos <strong>de</strong> Camus est différent et vise à dénoncer à travers<br />

une succession d’événements juxtaposés sans lien apparent, l’absurdité du mon<strong>de</strong>. Il n’en reste pas<br />

moins qu’un lien est à établir entre ces <strong>de</strong>ux auteurs qui exploitent, chacun à <strong>le</strong>ur manière, <strong>le</strong> thème<br />

<strong>de</strong> l’étrangeté au mon<strong>de</strong> et celui <strong>de</strong> l’étrangeté du mon<strong>de</strong>.<br />

Cette thématique est si prégnante dans <strong>la</strong> vie <strong>de</strong> Erri De Luca qu’il <strong>la</strong> prolonge dans <strong>la</strong> littérature<br />

non napolitaine, notamment dans Tre cavalli 4 ou dans L’ultimo viaggio di Sindbad. Dans ce <strong>de</strong>rnier<br />

livre, <strong>le</strong> capitaine Sindbad n’est pas sans rappe<strong>le</strong>r <strong>le</strong> grand onc<strong>le</strong> <strong>de</strong> Erri De Luca, travail<strong>le</strong>ur au port<br />

et qui avait été frappé par l’étrange cri d’une femme appe<strong>la</strong>nt un inconnu :<br />

Erri De Luca se sent condamné à errer sa vie durant, <strong>de</strong> même que <strong>le</strong>s Juifs persécutés et massacrés, en tentant<br />

inexorab<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> retrouver ail<strong>le</strong>urs son paradis perdu. Rafaniello revêt ici l’alter ego <strong>de</strong> l’auteur dans toute sa sagesse<br />

et son expérience <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre.<br />

1 ERRI DE LUCA, Montedidio, op. cit. , p. 26. Trad. (Rafaniello se promenait dans notre vil<strong>le</strong> étrangère et pourtant<br />

presque i<strong>de</strong>ntique à <strong>la</strong> sienne d’avant <strong>la</strong> guerre, i<strong>de</strong>ntique dans <strong>le</strong>s visages, <strong>le</strong>s cris, <strong>le</strong>s insultes, <strong>le</strong>s mauvais sorts et il<br />

trouvait bizarre <strong>de</strong> ne pas comprendre un seul mot. Il touchait ses oreil<strong>le</strong>s pour voir s’il y avait un problème, il rit en me<br />

<strong>le</strong> racontant. Il s’est résigné, <strong>la</strong> vil<strong>le</strong> était étrangère)<br />

2 ERRI DE LUCA, Materia prima, in Altre prove di risposta, op. cit. , p. 71. “Era un giorno di so<strong>le</strong>, un muratore batteva<br />

col martello i suoi minuti secondi” Trad. (C’était un jour enso<strong>le</strong>illé, un maçon battait d’un marteau ses secon<strong>de</strong>s)<br />

L’Incipit <strong>de</strong> ce récit évoque tout d’abord <strong>le</strong>s occupations <strong>de</strong> Erri De Luca travail<strong>la</strong>nt par un jour <strong>de</strong> fête nationa<strong>le</strong>, <strong>le</strong> 2<br />

juin, en introduisant <strong>le</strong> possessif à <strong>la</strong> première personne « <strong>le</strong> mie (faccen<strong>de</strong>)» [Trad. (Mes occupations)]. Au premier<br />

p<strong>la</strong>n l’étrange indifférence à cette fête nationa<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> tous <strong>le</strong>s Italiens vaquant à <strong>le</strong>urs affaires ce jour-là.<br />

L’écrivain semb<strong>le</strong> tout à coup s’intéresser à <strong>de</strong>ux enfants se trouvant non loin <strong>de</strong> lui en train <strong>de</strong> réviser <strong>le</strong>urs cours<br />

d’histoire, sans beaucoup d’intérêt. Il semb<strong>le</strong> maintenant se détacher <strong>de</strong> son travail et s’en éloigner par l’ouïe afin <strong>de</strong><br />

mieux écouter <strong>le</strong>ur conversation. Pour ce<strong>la</strong>, dans <strong>le</strong> <strong>de</strong>uxième paragraphe Erri De Luca <strong>de</strong>vient comme étranger à son<br />

corps en par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> lui à <strong>la</strong> troisième personne pour ensuite revenir immédiatement après à <strong>la</strong> narration à <strong>la</strong> première<br />

personne. C’est l’extrait que nous venons <strong>de</strong> citer. L’écrivain opère une mutation <strong>de</strong> narrateur en cours <strong>de</strong> récit passant<br />

soudain <strong>de</strong> <strong>la</strong> narration autodiégétique à cel<strong>le</strong> hétérodiégétique afin <strong>de</strong> marquer l’importance <strong>de</strong> l’histoire travaillée <strong>de</strong>s<br />

hommes (mal comprise par <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux enfants qui parjurent <strong>le</strong>urs cours) par rapport à son travail <strong>de</strong> maçon, constructeur<br />

et réparateur <strong>de</strong> <strong>la</strong> pierre détruite par l’homme. Puis il revient à <strong>la</strong> narration autodiégétique initia<strong>le</strong>. Il montre ainsi son<br />

total engagement et investissement à <strong>la</strong> fois dans son écriture nuancée et raffinée et dans <strong>le</strong> maniement <strong>de</strong> <strong>la</strong> pierre tout<br />

en accomplissant son <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> mémoire.<br />

3 ERRI DE LUCA, I libri, in Altre prove di risposta, op. cit. , p. 29. “Ma uno è ospite con <strong>la</strong> sua scrittura presso <strong>la</strong><br />

<strong>le</strong>ttura di una persona) Trad. (Mais, par notre écriture, on est <strong>de</strong>s invités auprès <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>le</strong>cture d’une personne)<br />

4 ERRI DE LUCA, Tre cavalli, op. cit. , p. 88. “Mi presento come un argentino vagabondo... Non riesco a ricordare di<br />

essere stato come loro. Li ascolto da estraneo” Trad. (Je me présente comme un vagabond argentin… Je n’arrive pas à<br />

me souvenir d’avoir été comme eux. Je <strong>le</strong>s écoute en étranger) Ici <strong>le</strong> narrateur italien, en fuite en Argentine, rencontre<br />

<strong>de</strong>ux touristes italiens en panne et fait semb<strong>la</strong>nt d’être un étranger.<br />

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