Consulter le texte intégral de la thèse - Université de Poitiers
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Gli illustri visitatori di tutto il mondo ci perdonino di essere un po’ contemp<strong>la</strong>tivi, ma sappiano che quando<br />
cominciamo ad abituarci al<strong>la</strong> città di Napoli è già venuto il nostro tempo di morire 1 .<br />
À L’oro di Napoli, à <strong>la</strong> fois nostalgique et lointain dans l’espace – Giuseppe Marotta vit à<br />
Mi<strong>la</strong>n - et dans <strong>le</strong> temps - surtout <strong>le</strong> temps révolu <strong>de</strong> l’enfance - nous allons maintenant opposer et<br />
analyser <strong>le</strong> regard d’autres écrivains napolitains restés sur p<strong>la</strong>ce, mais éloignés <strong>de</strong> ces vicoli<br />
auxquels Giuseppe Marotta était tant attaché.<br />
Les personnages <strong>de</strong> Domenico Rea et <strong>de</strong> Miche<strong>le</strong> Prisco ont à priori un regard distant sur <strong>la</strong><br />
vil<strong>le</strong> <strong>de</strong> Nap<strong>le</strong>s, regard d’autant plus neutre que <strong>le</strong> lieu du drame se passe en général dans <strong>la</strong><br />
campagne vésuvienne et non pas dans <strong>la</strong> vil<strong>le</strong>, vieil<strong>le</strong>, ma<strong>la</strong><strong>de</strong> et meurtrie. Mais certains titres sont<br />
quelque peu trompeurs : dans Spaccanapoli, métaphore d’une autre Nap<strong>le</strong>s, caractéristique par <strong>le</strong><br />
nom donné à cette rue centra<strong>le</strong> qui <strong>la</strong> coupe en <strong>de</strong>ux, Domenico Rea tente ainsi que l’indique <strong>le</strong><br />
titre, <strong>de</strong> s’éloigner <strong>de</strong> cette obligation <strong>de</strong> tout écrivain napolitain <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir par<strong>le</strong>r <strong>de</strong> sa vil<strong>le</strong>. Son œil<br />
se veut distant (mais autobiographique donc subjectif) ; il tente <strong>de</strong> cette façon <strong>de</strong> s’affranchir du<br />
message véhiculé par <strong>le</strong> dicton « Voir Nap<strong>le</strong>s et mourir », par <strong>le</strong> biais <strong>de</strong> ses personnages et par<br />
celui <strong>de</strong> son « nouveau système d’écriture », tel qu’il est annoncé à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> première nouvel<strong>le</strong>, et<br />
dans l’urgence <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre. Ses personnages, calquant ses propres origines paysannes, sont parfois<br />
<strong>de</strong>s parvenus qui trahissent <strong>le</strong>urs pauvres origines. Mais malgré son écriture si serrée qui tente <strong>de</strong> ne<br />
pas intervenir dans l’évolution <strong>de</strong>s personnages, Domenico Rea tombe dans <strong>le</strong> même piège que<br />
Giuseppe Marotta car au fond ses personnages ne font que répéter <strong>le</strong>s clichés <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nap<strong>le</strong>s qui joue<br />
<strong>la</strong> comédie aux touristes : amour passionnel, femmes saintes ou putains, ba<strong>la</strong>fre <strong>de</strong> Mata<strong>le</strong>na,<br />
jalousie ou envies sont représentés dans <strong>de</strong>s teintes <strong>de</strong> noir et <strong>de</strong> sang. Ses personnages sont<br />
envoûtés, comme enfermés dans <strong>le</strong>urs obsessions : <strong>le</strong> sexe est une force et un péché pour Auricchio,<br />
une passion cruel<strong>le</strong> pour Ama<strong>la</strong>sunta, une lèpre pour Tuppino, une découverte pour <strong>le</strong> fils <strong>de</strong> Zarro,<br />
<strong>la</strong> trahison pour Lenuccia, dans « La segnorina » et pour <strong>la</strong> maîtresse dans Pam! Pam!. La fuite est<br />
<strong>le</strong> seul moyen d’éviter <strong>le</strong> cliché : c’est l’émigration pour Auricchio, émigrant mafieux, qui trente<br />
ans après, revient, nostalgique au pays.<br />
Quant à Miche<strong>le</strong> Prisco, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> Histoire, alors que son livre est écrit pendant <strong>la</strong><br />
Secon<strong>de</strong> Guerre mondia<strong>le</strong>, ses bourgeois évoluent sur <strong>le</strong> ton d’une petite sonate automna<strong>le</strong>, à travers<br />
<strong>de</strong>s « histoires méchantes et tristes », dans <strong>le</strong> paysage désolé <strong>de</strong> <strong>la</strong> campagne vésuvienne. De <strong>la</strong><br />
région <strong>de</strong> Nap<strong>le</strong>s, nous ne savons que <strong>le</strong> nom <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux petits vil<strong>la</strong>ges, Leopardi et Trecase, entre mer<br />
et Vésuve, isolés tout autant que <strong>le</strong> sont <strong>le</strong>urs protagonistes. Prisco résout <strong>le</strong> problème <strong>de</strong> l’être<br />
napolitain par un enfermement intentionnel dans sa « provincia addormentata », un repli sur soi face<br />
à ces bourgeois tota<strong>le</strong>ment étrangers à <strong>la</strong> vie pullu<strong>la</strong>nte du peup<strong>le</strong> napolitain, face à <strong>la</strong> misère <strong>de</strong>s<br />
campagnes autour du Vésuve. C’est son point <strong>de</strong> vue qui nous semb<strong>le</strong> limité quoique précieux. De<br />
même que <strong>le</strong> Néoréalisme s’est arrêté à Nap<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s personnages qui s’ennuient tout seuls<br />
ressemb<strong>le</strong>nt en bien <strong>de</strong>s points à ceux <strong>de</strong> Alberto Moravia : pères « mammoni », femmes<br />
émancipées et dé<strong>la</strong>issées. Jalousies et incestes dominent et minent ce mon<strong>de</strong> où pour une <strong>le</strong>ttre<br />
ouverte qui ne vous était pas <strong>de</strong>stinée, on vous tire <strong>de</strong>ssus. Les prénoms mêmes, Reginaldo,<br />
Radiana, Arnaldo, sont étrangement venus d’ail<strong>le</strong>urs. La délicatesse <strong>de</strong>s teintes, <strong>la</strong> fragilité<br />
psychologique <strong>de</strong> ces personnages et <strong>la</strong> finesse <strong>de</strong> l’écriture contribuent à cette fuite du réel.<br />
1 GIUSEPPE MAROTTA, Personaggi in busta chiusa, in L’oro di Napoli, op. cit. , p. 126. Trad. (Que <strong>le</strong>s illustres<br />
visiteurs venus du mon<strong>de</strong> entier nous pardonnent d’être un peu contemp<strong>la</strong>tifs, mais qu’ils sachent que lorsque on<br />
commence à s’habituer à <strong>la</strong> vil<strong>le</strong> <strong>de</strong> Nap<strong>le</strong>s il est déjà venu <strong>le</strong> temps <strong>de</strong> mourir)<br />
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