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Consulter le texte intégral de la thèse - Université de Poitiers

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Le long phrasé final <strong>de</strong> mots énumérés à <strong>la</strong> suite, coordonnés par <strong>la</strong> conjonction « e » répétée sept<br />

fois, l’adjectif « tutto » à <strong>de</strong>ux reprises, confirment <strong>la</strong> disposition horizonta<strong>le</strong> et vertica<strong>le</strong> du public<br />

qui semb<strong>le</strong> présent <strong>de</strong> toutes parts. La plume <strong>de</strong> l’écrivain est exubérante <strong>de</strong> détails: l’exiguïté <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

cour contraste avec <strong>le</strong> nombre <strong>de</strong>s habitants <strong>de</strong> l’immeub<strong>le</strong>. L’allure hyperbolique <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>scription<br />

met ainsi en exergue <strong>le</strong> nombre incalcu<strong>la</strong>b<strong>le</strong> <strong>de</strong> personnes, ref<strong>le</strong>t <strong>de</strong> <strong>la</strong> forte <strong>de</strong>nsité au mètre carré<br />

dans <strong>la</strong> vil<strong>le</strong> <strong>de</strong> Nap<strong>le</strong>s. L’écrivain énumère « centinaia di teste, coi capelli corti e coi capelli lunghi,<br />

di gente affacciata » 1 . Le spectac<strong>le</strong> se doit d’occuper tout l’espace, coté cour et coté jardin, mais<br />

aussi tout l’espace sensoriel <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en scène. Dans son décor naturel, <strong>le</strong> pauvre <strong>de</strong>vient alors<br />

l’acteur <strong>de</strong> son propre théâtre et d’amusements réciproques, en effet d’échos. Mari et femme se<br />

dé<strong>le</strong>ctent à jouer <strong>le</strong>ur rô<strong>le</strong> jusqu’au bout. Les rô<strong>le</strong>s sont figés, <strong>de</strong> part et d’autre. Si Dumí, à moitié<br />

nu, tente <strong>de</strong> maîtriser <strong>la</strong> situation face à une femme furieuse, Cora, fine actrice, interpel<strong>le</strong> son public<br />

sur un ton grossier, en niant ce qu’el<strong>le</strong> veut <strong>de</strong> tout son cœur. C’est l’assistance qui l’ai<strong>de</strong>ra à<br />

remporter <strong>la</strong> victoire et à ramener son mari à <strong>la</strong> maison. Le gar<strong>de</strong> qui assiste à <strong>la</strong> scène jette <strong>le</strong> doute<br />

sur <strong>le</strong> coup<strong>le</strong>, dans un équilibre fragi<strong>le</strong> entre représentation et réalité. En fait, <strong>la</strong> plume exubérante et<br />

pétil<strong>la</strong>nte <strong>de</strong> Domenico Rea excel<strong>le</strong> à traduire ce théâtre miroir où <strong>la</strong> réalité se superpose à <strong>la</strong> fiction<br />

romanesque, sur fond d’ironie. Una scenata napolitana, exemp<strong>la</strong>ire pour son hyperbolisme<br />

exacerbant, montre bien <strong>la</strong> délicate mesure entre réalité et recita dans <strong>le</strong> spectac<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s<br />

Napolitains donnent d’eux-mêmes aux autres. On ne sait plus où commence <strong>le</strong> réel et où finit <strong>la</strong><br />

fiction, tant il y a <strong>de</strong> surajouté et <strong>de</strong> baroque. Par contre, dans Spaccanapoli, <strong>le</strong> côté spectacu<strong>la</strong>ire<br />

est réduit à l’essentiel et s’en trouve plus poignant : <strong>le</strong> tab<strong>le</strong>au en rouge et noir <strong>de</strong> La « segnorina »,<br />

où <strong>le</strong>s trois figurants comme « impiccati », pendus aux fenêtres, font <strong>de</strong> chœur au drame en cours,<br />

nous transpose à l’Opéra sur <strong>la</strong> scène <strong>de</strong> <strong>la</strong> Caval<strong>le</strong>ria Rusticana <strong>de</strong> Mascagni avec une touche<br />

fina<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> déguisement en soldat américain du mari trahi. Et si dans une mise en scène<br />

triomphante, Tuppino se montre au balcon en sortant <strong>de</strong>s coulisses <strong>de</strong> <strong>la</strong> scène, il n’y a plus <strong>de</strong> scène<br />

dans Pam ! Pam ! , où restent seuls <strong>de</strong>ux témoins, <strong>le</strong> cocher et son cheval. Dans <strong>la</strong> vie quotidienne,<br />

<strong>le</strong>s coup<strong>le</strong>s <strong>de</strong> Domenico Rea semb<strong>le</strong>nt s’entre-déchirer publiquement, confirmant ainsi l’image<br />

stéréotypée d’une Nap<strong>le</strong>s canail<strong>le</strong>. Mais <strong>le</strong>s Napolitains sont-ils vraiment conformes à ce<strong>la</strong> ? Se<br />

donnent-ils autant en spectac<strong>le</strong> ? Nous allons maintenant nous interroger sur <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong> ce trait <strong>de</strong><br />

caractère qui <strong>le</strong>ur est typiquement prêté.<br />

1.3.6 Les femmes, <strong>de</strong>s pécheresses<br />

L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> manière dont est perçue <strong>la</strong> femme, puis cel<strong>le</strong> du comportement <strong>de</strong>s hommes visà-vis<br />

d’el<strong>le</strong>s, nous permettra <strong>de</strong> vérifier <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong> ce stéréotype. « Napoli è una drammatica,<br />

tragica terra di vergini cinquantenni » 2 , affirme Domenico Rea. À Nap<strong>le</strong>s avoir une fil<strong>le</strong> est un<br />

malheur assuré pour toute <strong>la</strong> famil<strong>le</strong> : parce que dès sa naissance va se poser <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

p<strong>la</strong>cer, cel<strong>le</strong> donc du mariage. La Napolitaine a peur <strong>de</strong> rester « zitel<strong>la</strong> » à vie. De plus, l’hypocrite<br />

loi <strong>de</strong> l’honneur fige encore plus <strong>la</strong> femme napolitaine dans une réalité certaine, ce dont <strong>la</strong><br />

littérature rend compte. Domenico Rea refuse l’image stéréotypée <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme napolitaine douce et<br />

aimante. Ses femmes sont marquées par <strong>le</strong>urs bas instincts, el<strong>le</strong>s sont vio<strong>le</strong>ntes et charnel<strong>le</strong>s,<br />

torturées par <strong>le</strong> sexe et <strong>la</strong> jalousie, ou bien mères femmes soumises, en proie à <strong>le</strong>ur bestialité : « Le<br />

sarnesi nascono madonne bruciate », dira-t-il 3 . À <strong>la</strong> campagne comme en vil<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s femmes sont<br />

1<br />

I<strong>de</strong>m, p. 37. Trad. (Des centaines <strong>de</strong> têtes aux cheveux longs ou courts, <strong>de</strong> gens accoudés, qui <strong>le</strong> regardaient)<br />

2<br />

DOMENICO REA, Le due Napoli, op. cit. , p. 199. Trad. (Nap<strong>le</strong>s est une terre dramatique, peuplée <strong>de</strong> vierges<br />

quinquagénaires)<br />

3<br />

DOMENICO REA, Estro furioso, op. cit. , p. 54. Trad. (Les Sarnaises sont, <strong>de</strong> naissance, <strong>de</strong>s vierges noires)<br />

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