Consulter le texte intégral de la thèse - Université de Poitiers
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4.1.2 Sources et réalisations<br />
Nous avons exposé jusqu’ici l’iter <strong>de</strong> Erri De Luca <strong>de</strong>puis son enfance napolitaine jusqu’à sa<br />
maturité. De toute évi<strong>de</strong>nce, il apparaît que l’écrivain a fui son lieu <strong>de</strong> naissance, suite à<br />
l’étouffement d’une enfance malheureuse, p<strong>le</strong>ine <strong>de</strong> si<strong>le</strong>nce et <strong>de</strong> révolte contenue. Nous avons<br />
fondé que c’est ce choix d’évasion qui lui a permis <strong>de</strong> se construire en tant qu’homme et en tant<br />
qu’écrivain. Ses activités militantes et professionnel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> maçon, son bénévo<strong>la</strong>t à l’étranger et ses<br />
loisirs l’ont certes ouvert sur <strong>le</strong> mon<strong>de</strong>, mais ont aussi prolongé son lien indéfectib<strong>le</strong> à Nap<strong>le</strong>s<br />
comme en témoigne toute son écriture. Selon Attilio Scu<strong>de</strong>ri, <strong>la</strong> fuite <strong>de</strong> Nap<strong>le</strong>s a donc délivré Erri<br />
De Luca <strong>de</strong> son lourd passé mais l’a aussi enraciné dans ses origines et a contribué à créer d’autres<br />
mythes 1 :<br />
La fuga da Napoli come atto che a un tempo unisce e libera dal<strong>la</strong> propria origine 2 .<br />
Aux mythes <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer et <strong>de</strong> l’î<strong>le</strong>, Erri De Luca a par <strong>la</strong> suite substitué d’autres mythes créés à<br />
partir du réel <strong>de</strong> sa vie quotidienne et qu’il explicite dans son œuvre in fieri. D’une part, il manifeste<br />
dans <strong>le</strong>s rues son désir <strong>de</strong> contestation et <strong>de</strong> révolte, il part volontaire en Afrique ou en Bosnie, il se<br />
bat pour <strong>le</strong>s prisonniers politiques et pour <strong>le</strong>s migrants, il intègre <strong>le</strong> <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> mémoire que l’on doit<br />
aux Juifs ; d’autre part, il aime <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> page sainte ou profane, <strong>la</strong> béatitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s cimes, <strong>le</strong><br />
si<strong>le</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>le</strong>cture, <strong>de</strong> l’écriture et <strong>de</strong> <strong>la</strong> traduction. Et par-<strong>de</strong>ssus tout, il aime à se souvenir <strong>de</strong><br />
Nap<strong>le</strong>s, à se rappe<strong>le</strong>r et à rappe<strong>le</strong>r au <strong>le</strong>cteur ses origines, il participe à reconstruire sa vil<strong>le</strong>. Homme<br />
d’action, il <strong>de</strong>vient solitaire en écrivant et mê<strong>le</strong> dans son écriture, présent et passé, dans une<br />
expression imbriquée, entre<strong>la</strong>cée. « Écrire <strong>de</strong> son mieux, c’est se condamner à <strong>la</strong> solitu<strong>de</strong> » 3 , a dit<br />
Ernest Hemingway qui pensait qu’une enfance malheureuse était <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur apprentissage d’un<br />
écrivain. Erri De Luca commence justement par raconter son enfance. Mais il n’a pas écrit que sur<br />
son enfance napolitaine. En se déracinant, il a cherché tout au long <strong>de</strong> son parcours d’autres sources<br />
d’inspiration, et surtout, il s’est engagé. Erri De Luca raconte son vécu comme un feuil<strong>le</strong>ton, l’«<br />
autografia » 4 <strong>de</strong> ses récits suit tout son parcours dans un constant retour mnémonique sur <strong>le</strong> passé :<br />
Essendo storie mie, per forza riguardano il passato: non sono storie profetiche, sono storie al<strong>le</strong> spal<strong>le</strong>,<br />
provengono da dietro 5 .<br />
L’écrivain par<strong>le</strong> <strong>de</strong> ses visions, visions semb<strong>la</strong>b<strong>le</strong>s à cel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> l’enfant napolitain qu’il était. Il<br />
avoue être un « visionario » 6 , mais en quelque sorte à reculons car il voyage à l’envers, du temps<br />
1 ATTILIO SCUDERI, Erri De Luca, op. cit. , p. 10. “Dal<strong>la</strong> fine <strong>de</strong>l ’68 infatti entriamo in un’altra dimensione mitica”<br />
Trad. (En effet <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> 1968 nous entrons dans une autre dimension mythique)<br />
2 I<strong>de</strong>m, p. 11. Trad. (La fuite <strong>de</strong> Nap<strong>le</strong>s comme acte qui unit et délivre à <strong>la</strong> fois <strong>de</strong> ses propres origines)<br />
3 Ernest Hemingway proc<strong>la</strong>mait cette phrase célèbre dans son discours inaugural <strong>de</strong> réception du prix Nobel, en 1954.<br />
4 ATTILIO SCUDERI, Erri De Luca, op. cit. , p. 61.<br />
5 ERRI DE LUCA, I libri, in Altre prove di risposta, op. cit. , p. 31. Trad. (Étant donné que ce sont <strong>de</strong>s histoires à moi,<br />
el<strong>le</strong>s concernent forcément mon passé ; ce ne sont pas <strong>de</strong>s histoires prophétiques, ce sont <strong>de</strong>s histoires dans <strong>le</strong> dos, qui<br />
viennent <strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière)<br />
6 ERRI DE LUCA, Visioni, in Altre prove di risposta, op. cit. , p. 35. “Amo <strong>le</strong> visioni: quel<strong>le</strong> che viaggiavano negli<br />
occhi assorti <strong>de</strong>i bambini <strong>de</strong>l<strong>la</strong> città di Napoli, quando ero bambino anch’io” Trad. (J’aime <strong>le</strong>s visions : cel<strong>le</strong>s qui<br />
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