Consulter le texte intégral de la thèse - Université de Poitiers
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qu’il n’est pas <strong>le</strong> fils <strong>de</strong> ses parents. Puis il grandit en étranger dans <strong>le</strong> vicolo, isolé avec ses parents<br />
qui n’appartiennent pas à ce mon<strong>de</strong> bruyant. Il ne comprend pas <strong>le</strong>s cris, qu’il interprète <strong>de</strong> colère,<br />
<strong>de</strong>s Napolitaines s’appe<strong>la</strong>nt dans <strong>la</strong> ruel<strong>le</strong>. Il se sent encore exclu dans son nouveau logement situé<br />
dans <strong>le</strong>s beaux quartiers où il côtoie <strong>de</strong>s étrangers : et c’est avec un profond sentiment <strong>de</strong> différence,<br />
« con emozione di estraneo » 1 , qu’il s’extasie <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> beauté d’une fil<strong>le</strong>tte américaine. Ado<strong>le</strong>scent<br />
il est en proie aux mêmes angoisses : ne supportant plus l’atmosphère <strong>de</strong> sa propre vil<strong>le</strong>, il fuit pour<br />
s’enfermer dans un enclos puant, <strong>le</strong> zoo, seul endroit où il se sente fina<strong>le</strong>ment libre. « Estraneo » 2 ,<br />
« l’estraneità » 3 , « straniero » 4 , « ospite » 5 , voilà <strong>le</strong>s mots qui ponctuent son écriture, que ce soit sur<br />
<strong>le</strong> p<strong>la</strong>n affectif ou social. C’est probab<strong>le</strong>ment parce que Erri De Luca s’est senti étranger à ses<br />
parents, à son environnement, au groupe 6 et à l’amour 7 , qu’il refuse et désire à <strong>la</strong> fois cette cité<br />
parthénopéenne, <strong>de</strong> tout son cœur et dans toute son œuvre. Toujours en quête d’un indéfini E<strong>de</strong>n,<br />
dès son premier roman, il manifeste cette recherche <strong>de</strong> ses origines avec <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s il tente <strong>de</strong> se<br />
réconcilier par <strong>le</strong> biais <strong>de</strong> <strong>la</strong> mémoire :<br />
Mi torna al<strong>la</strong> mente, con parvenza di intero, per un bisogno di appartenenza a qualcosa, che stasera mi spinge<br />
verso di esso, verso una provenienza 8 .<br />
Ainsi Erri De Luca revisite-t-il sa vil<strong>le</strong> d’origine à travers <strong>le</strong>s personnages <strong>de</strong> chacune <strong>de</strong> ses<br />
œuvres (napolitaines ou non). Mais n’est réel<strong>le</strong>ment étranger à Nap<strong>le</strong>s que <strong>le</strong> seul Rafaniello, qui<br />
essaie désespérément <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s affinités avec son pays d’adoption. C’est exactement ce que<br />
fait Erri De Luca <strong>de</strong>puis qu’il a quitté Nap<strong>le</strong>s :<br />
Rafaniello se ne camminava per <strong>la</strong> nostra 9 città straniera e pure mezza ugua<strong>le</strong> al<strong>la</strong> sua di prima <strong>de</strong>l<strong>la</strong> guerra,<br />
ugua<strong>le</strong> per <strong>le</strong> facce, gli strilli, gli insulti, <strong>le</strong> iettature e gli pareva strano di non capire manco una paro<strong>la</strong>. Si<br />
enfant : ne pas être enfanté par mes parents, mais adopté… Je ne cherchais pas une autre appartenance…Je me<br />
retranchais en étranger, en <strong>de</strong>venant inexpugnab<strong>le</strong>. Se taire sous <strong>le</strong>s reproches était pour moi <strong>la</strong> forme accomplie <strong>de</strong><br />
l’étranger. J’étais un autre, ils me prenaient <strong>de</strong>puis toujours pour un autre enfant)<br />
1<br />
ERRI DE LUCA, Non ora, non qui, op. cit. , p. 74. Trad. (Avec l’émotion <strong>de</strong> l’étranger)<br />
2<br />
ERRI DE LUCA, Napòli<strong>de</strong>, op. cit. , p. 16. À <strong>de</strong>ux reprises dans <strong>la</strong> même page accompagné <strong>de</strong> « l’estraneità ». Trad.<br />
(Ètranger) ; ERRI DE LUCA, Non ora, non qui, op. cit. , p. 19. “Sono il figlio, l’estraneo” Trad. (Je suis ton fils,<br />
l’étranger) ; I<strong>de</strong>m, p. 12. “Mi ad<strong>de</strong>strai da straniero” Trad. (Je m’exerçai <strong>de</strong> <strong>la</strong> sorte en étranger)<br />
3<br />
I<strong>de</strong>m, p. 6. Trad. (Étranger) Le mot « estraneità “ est intraduisib<strong>le</strong> en français, il faut recourir à un périphrase avec <strong>le</strong><br />
mot « étranger ».<br />
4<br />
I<strong>de</strong>m, pp. 6, 32. Trad. (Étranger)<br />
5<br />
I<strong>de</strong>m, p. 6. “Porto i panni <strong>de</strong>ll’ospite” Trad. (Je porte <strong>le</strong>s habits <strong>de</strong> l’invité) ; ERRI DE LUCA, I colpi <strong>de</strong>i sensi, op.<br />
cit; , p. 7. “Da ospite in impaccio ne ho trattenuto cenni” Trad. (En hôte embarrassé, j’en ai retenu <strong>de</strong>s signes) Il s’agit<br />
<strong>de</strong> l’avant-propos <strong>de</strong> Il colpi <strong>de</strong>i sensi où l’écrivain précise d’emblée sa situation d’étranger bien que né dans <strong>la</strong> cité.<br />
Mais nous retrouvons ce terme aussi dans <strong>le</strong> dialogue entre Nives Meroi et l’écrivain ERRI DE LUCA, Sul<strong>la</strong> traccia di<br />
Nives, op. cit. , p. 79. “Non sono un profugo, hai ragione. Sono un ospite” Trad. (Je ne suis pas un réfugié, tu as raison.<br />
Je suis un invité)<br />
6<br />
L’ado<strong>le</strong>scent <strong>de</strong> Tu, mio est admis dans <strong>le</strong> groupe d’amis <strong>de</strong> son cousin Danie<strong>le</strong> « da estraneo » car il est plus jeune<br />
qu’eux. ERRI DE LUCA, Tu, mio, op. cit. , p. 24 . “Attraverso Danie<strong>le</strong> ero ammesso, ma da estraneo” Trad. (À travers<br />
Danie<strong>le</strong> j’étais admis, mais en étranger)<br />
7<br />
ERRI DE LUCA, ‘More, in In alto a sinistra, op. cit. , p. 71. “Ero l’estraneo, l’affanno, cuore di un alveare inferocito<br />
da <strong>le</strong>ccargli il fondo ma con lo sputo in go<strong>la</strong>” Trad. (J’étais l’étranger, <strong>le</strong> tourment, coeur d’une ruche féroce, à lécher<br />
jusqu’au bout, mais <strong>le</strong> crachat dans <strong>la</strong> gorge)<br />
8<br />
ERRI DE LUCA, Non ora, non qui, op. cit. , p. 82. Trad. (Le passé me revient en mémoire avec une apparence<br />
d’<strong>intégral</strong>ité, par un besoin d’appartenance à quelque chose, qui ce soir me pousse vers toi, vers une provenance)<br />
9<br />
C’est nous qui soulignons en gras l’adjectif possessif “nostra”. En fait, ayant développé en parallè<strong>le</strong> <strong>de</strong>s savoirs et une<br />
érudition exemp<strong>la</strong>ire dans <strong>le</strong> domaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bib<strong>le</strong>, attiré qu’il est par <strong>le</strong> peup<strong>le</strong> juif et <strong>le</strong> Talmud tout en n’étant pas Juif,<br />
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