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Note de l'autour

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longtemps que les autres hommes commençaient à leur paraître<br />

beaux. Je finis par connaître leur nom. Roos et Mépris étaient<br />

en bisbille perpétuelle, sur un mo<strong>de</strong> qui me paraissait assez<br />

amical, jusqu’à ce qu’une nuit l’un d’eux produise un couteau et<br />

que Roos meure pile sur mon écoutille. Le sang dégoulina à<br />

travers avant qu’on ne lave le pont, et j’entendis Mépris<br />

implorer pitié avant qu’on le pen<strong>de</strong> par les pouces et qu’on lar<strong>de</strong><br />

ses membres <strong>de</strong> flèches jusqu’à ce que mort s’ensuive.<br />

Bizarrement, il pleura et supplia jusqu’à la première flèche. Puis<br />

il dut comprendre que la douleur ne pourrait plus empirer,<br />

qu’on ne pourrait pas lui infliger pire. Il se mit à réciter <strong>de</strong>s<br />

blagues et à railler les archers, et, juste avant <strong>de</strong> mourir, il<br />

raconta une histoire sentimentale sur sa mère qui assombrit<br />

l’humeur <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s hommes et en laissa quelques-uns en<br />

larmes, sans honte. Je crois que c’est là qu’ils le laissèrent enfin<br />

mourir, en lui plantant une flèche dans le cœur. Drôle <strong>de</strong><br />

peuple, à la fois cruel et tendre, fort et faible, et si prompt à<br />

passer d’un extrême à l’autre que je n’arrivais pas à prédire ses<br />

réactions.<br />

Sauf le commandant, îlot <strong>de</strong> force au milieu <strong>de</strong> cette<br />

confusion. Il était comme un père pour un équipage d’enfants,<br />

écoutant patiemment leurs doléances, arbitrant leurs querelles,<br />

pardonnant leurs fautes, leur enseignant leurs tâches et prenant<br />

toutes leurs décisions à leur place, à l’exception <strong>de</strong>s plus<br />

insignifiantes. Il m’étonnait, car je l’entendais rarement se<br />

mettre en colère, et toujours brièvement, pour faire son effet. Il<br />

n’hésitait jamais, ne craquait jamais. Je reconnaissais toujours<br />

ses pas sur le pont. Clac, clac, clac, parfaitement en rythme. On<br />

aurait cru que le pont glissant restait immobile pour lui et qu’il<br />

n’avait pas à faire <strong>de</strong> compromis avec la mer agitée. Il me<br />

rappelait mon père, et j’aspirais à rentrer chez moi.<br />

Mais il y a <strong>de</strong>s limites à la sympathie qu’un esclave peut<br />

ressentir pour ses propriétaires. Au bout d’un certain temps,<br />

l’obscurité finit par me peser : j’étais contrarié <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir me<br />

réveiller, contrarié <strong>de</strong> <strong>de</strong>voir m’endormir ; et, plus que tout, je<br />

rêvais <strong>de</strong> voir la lumière du jour. J’étais un cavalier, pas un<br />

marin. Ma conception du voyage impliquait une masse <strong>de</strong> chair<br />

vivante entre mes jambes, ou mes propres pieds heurtant le sol,<br />

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