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Note de l'autour

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m’ouvrait l’abdomen. J’avais connu pire – la morsure d’une<br />

épée d’entraînement au bois irrégulier, par exemple, ou encore<br />

cette fois où une flèche m’avait percé la tempe pour ressortir par<br />

l’œil – mais le problème n’était pas la douleur. Du moins pas<br />

uniquement. Car pour la première fois <strong>de</strong>puis la petite enfance,<br />

douleur et peur me brûlaient <strong>de</strong> concert, et je ressentais ce que<br />

les hommes du commun éprouvent au champ <strong>de</strong> bataille et qui<br />

les diminue tant, ce qui fait d’eux la proie d’une épée Mueller<br />

assoiffée.<br />

Quand il eut terminé, il banda la blessure. Je ressentais déjà<br />

le vertige et les picotements signes que la guérison était en<br />

bonne voie – la plaie était nette, et le tout cicatriserait en<br />

quelques heures sans laisser <strong>de</strong> trace. Je n’avais pas besoin <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ce qu’il avait trouvé. Je le sus à l’affaissement <strong>de</strong> ses<br />

épaules et au stoïcisme dur <strong>de</strong> son visage. Je <strong>de</strong>vinais que son<br />

masque impassible dissimulait le chagrin plutôt que la joie.<br />

« Bah, il suffit <strong>de</strong> les enlever », dis-je sur le ton <strong>de</strong> la<br />

plaisanterie.<br />

Il ne le prit pas ainsi. « Il y a aussi <strong>de</strong>s ovaires, Lanik, et si je<br />

les enlève, si je pratique aussi l’ablation <strong>de</strong> l’utérus, ils<br />

repousseront. »<br />

Il se tourna alors vers moi, armé <strong>de</strong> ce courage avec lequel un<br />

homme fait face à l’ennemi au combat. « Tu es un régénérant<br />

radical, Lanik. Ça ne s’arrêtera jamais. »<br />

Le mot était lâché. Voilà ce que j’étais <strong>de</strong>venu. Comme ma si<br />

belle cousine Velinisik, qui était <strong>de</strong>venue folle et avait pissé sur<br />

tout le mon<strong>de</strong> avec le pénis qui faisait d’elle un monstre. Un<br />

régénérant radical. Un rad. Comme les autres, je m’étais<br />

détourné d’elle et n’avais même plus prononcé son nom <strong>de</strong>puis.<br />

Elle avait d’abord cessé d’être humaine, pour ensuite ne jamais<br />

l’avoir été et enfin n’avoir jamais existé.<br />

À l’issue <strong>de</strong> la puberté, la plupart <strong>de</strong>s Mueller adoptaient leur<br />

forme adulte ; ne repoussaient dès lors que les membres qu’ils<br />

avaient perdus. Mais un petit nombre d’entre nous ne<br />

reprenaient jamais le contrôle <strong>de</strong> leur corps. L’adolescence se<br />

prolongeait ad vitam et <strong>de</strong> nouveaux membres croissaient au<br />

hasard. Dans ces cas-là, le corps oubliait sa forme naturelle : il<br />

se considérait comme une blessure sans fin qu’on <strong>de</strong>vait guérir à<br />

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