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Note de l'autour

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Elle voulait que je la désire. Était-ce la même fille timi<strong>de</strong> qui<br />

m’avait fait rougir ?<br />

Quelque chose ne collait pas. Beaucoup <strong>de</strong> choses ne collaient<br />

pas. Alors qu’elle entrait dans la chambre et s’agenouillait sur le<br />

lit, je me rendis compte qu’il était très peu probable qu’une telle<br />

créature puisse vivre en toute sécurité dans un isolement pareil,<br />

si près <strong>de</strong> la côte. Je compris qu’il était anormal que les nuages<br />

aient surgi <strong>de</strong> nulle part, qu’elle n’ait pas été bouleversée par un<br />

tremblement <strong>de</strong> terre qui avait failli renverser sa maison et que,<br />

si douce et timi<strong>de</strong> fût-elle, elle était maintenant à califourchon<br />

sur moi, les mains sur la poitrine.<br />

Je basculai en temps accéléré. Le couteau n’était qu’à<br />

quelques centimètres <strong>de</strong> ma gorge. La jeune fille nue était<br />

désormais un vieil homme laid, ignoble, à l’air le plus haineux et<br />

méchant que j’avais jamais vu sur un visage humain. Ses yeux<br />

étaient enfoncés et noyés d’eau, son visage décharné par la<br />

pauvreté. Je ne doutais pas <strong>de</strong> ce qu’il convoitait : son corps<br />

squelettique réclamait <strong>de</strong> la vian<strong>de</strong>. En comparaison, j’étais<br />

gras.<br />

Le lit sur lequel j’étais allongé n’était pas confortable non<br />

plus – rien qu’une planche, si dure que, lorsque je glissai<br />

maladroitement <strong>de</strong> sous ses jambes, il rebondit à peine. Je<br />

restai un instant <strong>de</strong>bout à me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r que faire. La porte <strong>de</strong> la<br />

cuisine était encore ouverte. J’y entrai et découvris que la<br />

marmite, loin d’être pleine <strong>de</strong> ragoût, était en réalité<br />

poussiéreuse tant elle servait peu. Aucun <strong>de</strong>s détails qui<br />

donnaient un air accueillant et chaleureux à la maison n’était<br />

vrai : ils avaient cédé la place à <strong>de</strong>s murs <strong>de</strong> torchis bruts, un sol<br />

<strong>de</strong> terre battue et la saleté partout.<br />

La crasse, d’ailleurs, était in<strong>de</strong>scriptible. On aurait dit que cet<br />

homme, parce qu’il pouvait choisir <strong>de</strong> vivre dans une illusion,<br />

ne prenait pas la peine <strong>de</strong> rendre tolérable son véritable<br />

environnement. Ses illusions le trompaient-elles réellement ?<br />

Peut-être. Pourtant, il avait déjà enfilé mes vêtements, et je ne<br />

trouvais pas trace <strong>de</strong>s siens. Était-il donc nu auparavant ? Sa<br />

pauvreté était atterrante. Je n’avais jamais vu d’être humain<br />

vivre dans un tel état <strong>de</strong> sauvagerie relative hors <strong>de</strong> Schwartz, et<br />

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