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Note de l'autour

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démunis. Malgré les distances qui les séparaient, toutefois, ils<br />

s’accrochaient tristement à la compagnie <strong>de</strong> chacun, venant en<br />

ai<strong>de</strong> sans un mot à la famille dont la maison tombait sous les<br />

coups <strong>de</strong> la tempête, plaçant anonymement un jeune bouc au<br />

milieu du troupeau dont le reproducteur était mort la veille et se<br />

rassemblant à l’occasion chez l’un ou l’autre pour la veillée, à<br />

échanger <strong>de</strong>s contes effrayants, abracadabrants, ou à chanter la<br />

solitu<strong>de</strong> et les aspirations silencieuses.<br />

Je ressentais aussi une autre impression, subtile mais<br />

puissante : en arrivant à Bosselé, comme je l’avais fait en tant<br />

d’autres lieux dans l’année passée, je m’étais aussitôt senti bien.<br />

Ou, du moins, prêt à supporter les inconforts <strong>de</strong> la région parce<br />

qu’ils seyaient à mon cœur sauvage.<br />

On me regardait avec méfiance, bien sûr, car je venais <strong>de</strong>s<br />

collines <strong>de</strong> l’Ouest, où <strong>de</strong>s gens plus civilisés sur <strong>de</strong>s fermes plus<br />

faciles n’avaient que mépris pour les Bosselains et donnaient<br />

leur nom par moquerie aux enfants <strong>de</strong>meurés. Mais je vécus<br />

une semaine dans ces collines, sans parler à personne, jusqu’à<br />

ce que ma solitu<strong>de</strong> touche enfin une cor<strong>de</strong> sympathique. Je me<br />

tenais sur la crête d’une colline en pente rai<strong>de</strong> et je regardais un<br />

berger en contrebas essayer <strong>de</strong> faire grimper une côte à ses<br />

moutons pour atteindre un col qui ouvrait sur une vallée en<br />

jachère. L’homme n’avait pas <strong>de</strong> chiens, ce qui était rare, et les<br />

moutons ne cessaient <strong>de</strong> partir à droite ou à gauche au lieu <strong>de</strong><br />

grimper. Quand l’homme s’arrêta enfin et s’assit sur un rocher<br />

pour regar<strong>de</strong>r ses bêtes victorieuses chercher <strong>de</strong> l’herbe dans<br />

cette vallée où ils avaient déjà trop brouté, je <strong>de</strong>scendis <strong>de</strong> la<br />

colline et m’arrêtai à quelques pas <strong>de</strong> lui, l’œil sur les moutons.<br />

Je ne parlai pas car je n’avais rien à dire. Mon offre était<br />

implicite dans ma présence.<br />

Le berger accepta. Il se leva et commença d’aiguillonner ses<br />

bêtes en émettant les cris graves, gutturaux que les moutons<br />

enten<strong>de</strong>nt clairement mais qui sont inaudibles à bonne<br />

distance. Ils se mirent en mouvement, mais cette fois, quand ils<br />

partaient à gauche, j’étais là pour les faire avancer ; quand ils<br />

partaient à droite, le berger était là, grommelant. Les moutons<br />

finirent par cé<strong>de</strong>r et montèrent la côte tant bien que mal,<br />

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