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Note de l'autour

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maison en courant. Un tremblement <strong>de</strong> terre frappa aussitôt. Il<br />

me fallut beaucoup <strong>de</strong> volonté, mais je traversai tout droit la<br />

crevasse qui s’ouvrait <strong>de</strong>vant moi. C’était <strong>de</strong> la terre ferme. Puis,<br />

quelques dizaines <strong>de</strong> pas plus loin, je m’étendis sur le sol et je<br />

provoquai aussi vite que je le pus un séisme qui engloutit la<br />

maison dans un énorme glissement <strong>de</strong> terrain.<br />

J’étais allongé à la surface <strong>de</strong> la terre, et elle tremblait sous<br />

moi. Mais ce n’était pas le séisme qui me traversait comme une<br />

herse un sol maigre. C’était un hurlement à la mort. Non pas le<br />

cri d’un homme tué au combat, ni celui <strong>de</strong>s innombrables<br />

hommes, femmes et enfants emportés par la maladie, la famine,<br />

les incendies ou les inondations. C’était le cri d’un homme<br />

assassiné par la terre elle-même, contre son gré, et il fut<br />

amplifié un millier <strong>de</strong> fois jusqu’à m’emplir et me pousser à<br />

hurler moi aussi.<br />

Je hurlai jusqu’à ce que ma voix n’arrive plus à remplir mes<br />

oreilles. Cette souffrance n’était pas physique. Quand elle prit<br />

fin, il n’y eut pas <strong>de</strong> douleur résiduelle dans mes muscles ni <strong>de</strong><br />

tension qui refusait <strong>de</strong> se relâcher. La souffrance résidait dans<br />

cette partie <strong>de</strong> mon être qui avait été en communion avec la<br />

terre, et tandis qu’elle me brisait, je me <strong>de</strong>mandai brièvement si<br />

j’en mourrais.<br />

Je ne mourus pas. Mais quand mon propre cri fit place au<br />

silence, quand je vis que la terre s’était refermée, ne laissant<br />

aucune trace <strong>de</strong> la maison et <strong>de</strong> ses tristes fleurs inexistantes,<br />

j’aurais voulu la rappeler, ramener l’horrible vieux, laisser sa vie<br />

suivre son cours même s’il ne valait pas qu’on l’épargne. Il<br />

méritait <strong>de</strong> mourir, sauf que rien ne mérite <strong>de</strong> mourir, et j’aurais<br />

pu <strong>de</strong>venir fou à cet instant car j’avais besoin que la maison,<br />

l’homme et la vie reviennent tout en sachant qu’ils <strong>de</strong>vaient être<br />

détruits. Mais, pour une raison obscure, je songeai à mon père<br />

gonflé <strong>de</strong> l’eau du lac ; je pensai aux milliers <strong>de</strong> soldats et <strong>de</strong><br />

civils tués ou laissés sans abri sur la plaine du Rebelle tandis<br />

que les Nkumaï, menés par un mystificateur d’An<strong>de</strong>rson,<br />

violaient et ravageaient tout sur leur passage. Je pensai aux<br />

millions <strong>de</strong> morts dont ils étaient responsables et à celles qu’ils<br />

provoqueraient encore, au milliard <strong>de</strong> vies qu’ils réduiraient à la<br />

misère, et cet équilibre, ce sentiment que la <strong>de</strong>struction<br />

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