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Note de l'autour

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sûrement pas d’être ballotté <strong>de</strong> gauche à droite, <strong>de</strong> haut en bas<br />

et d’avant en arrière par le roulis et le tangage du navire en<br />

haute mer.<br />

De plus, les effets <strong>de</strong> ma visite chez les Nkumaï n’avaient pas<br />

fini <strong>de</strong> se faire sentir. L’effort colossal <strong>de</strong> régénération fourni<br />

par mon corps afin <strong>de</strong> créer feu mon double ne s’arrêta pas avec<br />

l’amputation. Mon corps semblait même déterminé à régénérer<br />

chacun <strong>de</strong> mes membres. Quelques semaines après le début <strong>de</strong><br />

ma captivité, le bras jaillissant <strong>de</strong> mon épaule était <strong>de</strong>venu assez<br />

long pour lui permettre en ballant <strong>de</strong> me gratter le dos. D’autres<br />

membres germèrent bientôt, d’autres excroissances apparurent.<br />

Et si je ne manquais pas <strong>de</strong> nourriture pour alimenter ce<br />

phénomène, je n’avais aucune occasion <strong>de</strong> me dépenser. Toute<br />

l’énergie que j’emmagasinais n’avait qu’un seul exutoire : la<br />

croissance.<br />

La chaleur était insupportable <strong>de</strong>puis plusieurs jours quand je<br />

me rendis enfin compte que je perdais la tête. Je me découvris<br />

allongé dans l’herbe près du fleuve Cramer, à regar<strong>de</strong>r les petits<br />

bateaux <strong>de</strong> pêche remonter le courant vent arrière. À mes côtés<br />

se trouvait Saranna, la robe négligemment entrouverte (je<br />

savais toutefois qu’elle était consciente <strong>de</strong> l’effet exact produit<br />

par chaque centimètre carré <strong>de</strong> peau découvert), qui me<br />

caressait d’un doigt tandis que je faisais mine <strong>de</strong> l’ignorer. Je vis<br />

tout cela, je faisais tout cela alors que j’étais roulé en boule sur<br />

le plancher <strong>de</strong> ma prison étouffante.<br />

Je faisais tout cela pendant que la cinquième jambe à pousser<br />

<strong>de</strong> mes hanches commençait à s’agiter maladroitement, à<br />

s’animer. La réalité, elle était là. La sueur qui coulait sur ma<br />

poitrine. L’obscurité. La <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> mon corps. La privation<br />

<strong>de</strong> liberté.<br />

Voilà comment les rads confinés dans l’enclos le supportent,<br />

compris-je alors. Ils vivent une autre vie. Ils ne se vautrent pas<br />

dans la poussière ou dans l’herbe, ils ne se nourrissent pas à<br />

l’abreuvoir : leurs corps sont à nouveau sains et entiers, et ils<br />

sont allongés sur la rive d’un fleuve, prêts à faire l’amour à un<br />

être qui, en réalité, n’ose même pas se souvenir qu’ils existent.<br />

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