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les riches) montrer si peu <strong>de</strong> respect aux trépassés qu’ils les<br />
jetaient comme <strong>de</strong>s ordures sur la chaussée.<br />
Le palais du gouverneur <strong>de</strong> Gill, désormais quartier général<br />
<strong>de</strong> l’Alliance <strong>de</strong> l’Est, s’élevait comme un furoncle dans le<br />
quartier <strong>de</strong>s entrepôts : aucune recherche architecturale,<br />
aucune grâce, rien qu’un gros bloc <strong>de</strong> pierre gris ruminant au<br />
milieu <strong>de</strong> structures plus petites et pourtant plus accueillantes<br />
qui stockaient <strong>de</strong>s tissus, du cuir et <strong>de</strong> la vian<strong>de</strong> salée.<br />
Il était difficile <strong>de</strong> pénétrer dans le palais. Les portes étaient<br />
toutes closes et les gar<strong>de</strong>s plantés juste <strong>de</strong>vant. Une entrée<br />
subtile était exclue, même en temps accéléré – par les portes, en<br />
tout cas. Renverser un gar<strong>de</strong> attirerait trop l’attention. Et puis la<br />
violence <strong>de</strong> mon passage en temps accéléré risquerait <strong>de</strong> le tuer.<br />
Il me faudrait attendre plus tard dans la matinée, quand <strong>de</strong>s<br />
gens entreraient et sortiraient. Alors, par nostalgie (et sans<br />
doute avec l’intention inconsciente <strong>de</strong> m’offrir une vengeance<br />
mesquine), je partis en quête <strong>de</strong> la porte où j’avais été arrêté la<br />
veille. Je <strong>de</strong>vins <strong>de</strong> plus en plus morose à mesure que je<br />
parcourais les rues. Je me <strong>de</strong>mandais si Gill était<br />
particulièrement ignoble ou si toutes les villes, Mueller-sur-<br />
Rebelle y compris, se montraient si dures pour ceux qui<br />
n’avaient pas d’argent. La ru<strong>de</strong> contrée <strong>de</strong> Bosselé était plus<br />
tendre envers ses habitants que ce désert artificiel <strong>de</strong> pierre et<br />
<strong>de</strong> poussière.<br />
Je vis au loin, en approchant <strong>de</strong> la porte, que le chariot du<br />
bourreau était déjà <strong>de</strong> service. Et une journée bien remplie<br />
l’attendait ! Je jouai avec l’idée d’en briser un essieu mais<br />
décidai que cela n’en valait pas la peine ni le temps. J’allai<br />
plutôt jusqu’à la porte, accordant à peine un regard au chariot et<br />
au prisonnier encapuchonné tandis que je passais en courant, et<br />
je trouvai ce que je cherchais. Le capitaine qui m’avait emmené<br />
à la mort en silence la veille se trouvait dans une salle <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>,<br />
porte fermée au verrou. Je l’ouvris et entrai. Je me plantai<br />
<strong>de</strong>vant le capitaine, qui était seul, et repassai en temps réel.<br />
J’avais observé la manœuvre assez souvent à Ku Kuei : <strong>de</strong> son<br />
point <strong>de</strong> vue, je me matérialisai, comme surgi <strong>de</strong> nulle part.<br />
« Bonjour, dis-je.<br />
— Mon Dieu, répondit-il.<br />
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