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Les soldats me mirent dans un chariot, les yeux bandés, et<br />
m’entraînèrent dans les rues.<br />
J’étais inquiet. S’ils m’i<strong>de</strong>ntifiaient comme Lanik Mueller et<br />
qu’ils savaient – comme les mystificateurs <strong>de</strong>vaient sûrement le<br />
savoir, à présent – que les Mueller se régénéraient, ils me<br />
tueraient beaucoup trop méthodiquement. Je risquais fort <strong>de</strong><br />
mourir pour <strong>de</strong> bon si on me décapitait ou qu’on me brûlait vif.<br />
Il me serait impossible <strong>de</strong> me sauver moi-même, et je serais<br />
donc contraint <strong>de</strong> m’échapper avant l’exécution. Or les seules<br />
métho<strong>de</strong>s d’évasion à ma disposition en révélaient trop sur mes<br />
capacités pour ne pas déclencher une vraie panique chez les<br />
mystificateurs.<br />
J’étais en veine. Dul, quel qu’il soit, n’était pas assez malin ou<br />
bien informé pour comprendre que, si j’étais vraiment Lanik<br />
Mueller, on ne pouvait pas me tuer comme un homme<br />
ordinaire. À Gill, les exécutions revenaient à <strong>de</strong>s pelotons<br />
d’archers. Les flèches ne posent pas <strong>de</strong> problème aux Mueller,<br />
sauf à être trop nombreuses d’un coup, et dans le cas d’un rad<br />
comme moi, on n’en avait pas assez pour m’abîmer au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />
mes capacités <strong>de</strong> régénération.<br />
Les soldats ne faisaient pas <strong>de</strong> sentiment. À Mueller, tout le<br />
mon<strong>de</strong> – étranger, esclave ou citoyen – avait le droit d’être<br />
entendu. À Gill, apparemment, les étrangers étaient dispensés<br />
<strong>de</strong> cette formalité-là. Je fus arrêté, trimbalé dans un chariot à<br />
travers les rues <strong>de</strong> la ville (il semble que les habitants se<br />
débarrassaient <strong>de</strong> leurs fruits et légumes pourris en les jetant<br />
dans la charrette du bourreau en guise <strong>de</strong> ca<strong>de</strong>au d’adieu), sorti<br />
<strong>de</strong> la ville par une petite porte, <strong>de</strong>scendu du chariot et placé<br />
<strong>de</strong>vant un gros tas <strong>de</strong> paille, <strong>de</strong> sorte qu’un tir raté ne provoque<br />
pas la perte ou le bris d’une flèche.<br />
Les archers avaient l’air <strong>de</strong> s’ennuyer, peut-être un peu<br />
irrités. Était-ce habituellement leur jour <strong>de</strong> congé ? Ils<br />
s’alignèrent négligemment tout en choisissant leur flèche. Ils<br />
étaient une douzaine, et tous semblaient compétents. Le<br />
capitaine <strong>de</strong> la gar<strong>de</strong>, qui m’avait escorté jusqu’au lieu <strong>de</strong><br />
l’exécution, leva la main. Il n’y eut pas <strong>de</strong> préliminaires, ni<br />
<strong>de</strong>rniers mots ni <strong>de</strong>rnier repas (du gâchis, bien sûr), aucune<br />
annonce quant aux crimes dont j’étais censément coupable.<br />
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