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Note de l'autour

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Je me souviens aussi clairement <strong>de</strong> ces rêves éveillés insensés<br />

<strong>de</strong> mon père m’apprenant à tuer à dos <strong>de</strong> cheval ou me dédiant<br />

le rituel du chagrin ; il essuyait le sang sur son visage tout en me<br />

révélant mon sort. Rétrospectivement, j’ai appris à faire la<br />

distinction entre les véritables souvenirs et ceux qui étaient<br />

impossibles. À l’époque, ce n’était pas si clair.<br />

Un jour, j’entendis un fond sonore nouveau. Il n’était pas<br />

inhabituel par son intensité, mais je me rendis compte que<br />

j’entendais <strong>de</strong> nouvelles voix. Le navire n’était pas entré dans un<br />

port. Nul ne nous avait abordés. À l’évi<strong>de</strong>nce, on laissait donc<br />

les esclaves quitter leurs cellules pour rejoindre le pont. Cela<br />

signifiait que nous approchions d’un port : les muscles atrophiés<br />

<strong>de</strong>vaient se réveiller pour que les esclaves fassent bonne figure<br />

sur les marchés <strong>de</strong> Rogers, Dunn et Sombre.<br />

Mais, ce premier jour, personne ne me laissa sortir, et je me<br />

<strong>de</strong>mandai pourquoi.<br />

Le len<strong>de</strong>main, j’avais conclu qu’il importait peu que je<br />

paraisse vigoureux puisque je ne <strong>de</strong>vais pas être vendu comme<br />

travailleur <strong>de</strong> force. Je <strong>de</strong>vais être une bête <strong>de</strong> foire. Sinistre, je<br />

me <strong>de</strong>mandai ce que mes propriétaires penseraient <strong>de</strong> moi<br />

désormais. Un nouveau nez me poussait à côté <strong>de</strong> l’ancien,<br />

partiellement joint à lui. Sur le côté gauche, trois oreilles<br />

dépassaient <strong>de</strong> ma chevelure hirsute. Mon corps était un<br />

mélange confus <strong>de</strong> bras et <strong>de</strong> jambes qui n’avaient jamais appris<br />

à marcher ni à saisir. Mes geôliers pensaient avoir mis la main<br />

sur une curiosité. J’étais maintenant un cirque à moi tout seul.<br />

Là-haut, d’autres esclaves marchaient, voyaient, sentaient le<br />

soleil et le vent. Moi pas.<br />

Je me mis à crier. Ma voix avait perdu l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> servir, et<br />

mon esprit l’usage <strong>de</strong>s mots. Je ne <strong>de</strong>vais pas paraître très<br />

cohérent. Mais je m’exprimai <strong>de</strong> plus en plus fort et l’écoutille<br />

par laquelle on me nourrissait s’ouvrit.<br />

« Tu veux te faire botter le cul jusqu’au sang ? fit une voix que<br />

je connaissais très bien sans savoir à qui elle appartenait.<br />

— C’est moi qui vais te botter le cul ! » hurlai-je en réponse.<br />

Ma voix n’eut pas tout à fait l’effet qu’elle avait autrefois sur le<br />

champ d’entraînement quand je manœuvrais <strong>de</strong>s troupes <strong>de</strong><br />

cavalerie sans l’ai<strong>de</strong> d’un aboyeur, mais le résultat fut<br />

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