13.07.2013 Views

Note de l'autour

Note de l'autour

Note de l'autour

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

contrebas, les yeux levés vers moi. Je n’étais pas prêt à<br />

<strong>de</strong>scendre. Mes mains tremblaient. « Monte ! » lui criai-je.<br />

Il ne se servit pas <strong>de</strong> mes prises. Il se dirigea vers un pan <strong>de</strong><br />

falaise parfaitement lisse et y grimpa très vite. Ses orteils<br />

n’entraient pas en contact avec la roche : rien que ses genoux et<br />

ses mains. Je me penchai par-<strong>de</strong>ssus bord pour le regar<strong>de</strong>r et<br />

ressentis un affreux vertige, comme si la gravité s’était inversée<br />

et qu’il se trouvait en terrain plat et moi accroché à la falaise.<br />

« Qu’est-ce que c’est que cet endroit ? » dis-je, ou plutôt<br />

soufflai-je quand il atteignit le sommet et s’assit à mes côtés.<br />

« Quel genre <strong>de</strong> peuple êtes-vous ?<br />

— Nous sommes <strong>de</strong>s sauvages, répondit-il, et c’est le désert.<br />

— Non ! m’écriai-je. Pas <strong>de</strong> faux-fuyant ! Tu sais très bien ce<br />

que je veux dire ! Ce que vous faites, les êtres humains en sont<br />

tout simplement incapables.<br />

— Nous ne tuons pas.<br />

— Cela n’explique pas tout.<br />

— Nous ne tuons pas d’animaux, dit-il. Pas <strong>de</strong> plantes. Pas <strong>de</strong><br />

roc. Pas d’eau. Nous laissons tous les êtres vivre, et eux aussi<br />

nous laissent vivre. Nous sommes <strong>de</strong>s sauvages.<br />

— Comment peut-on tuer du roc ?<br />

— En le découpant. » Il parut frémir.<br />

« Le roc est très dur, répondis-je avec ce sentiment récurrent<br />

<strong>de</strong> supériorité. Il ne ressent pas la douleur, en tout cas c’est ce<br />

qu’on m’a dit.<br />

— Le roc est vivant, <strong>de</strong> la peau au plus profond <strong>de</strong> son cœur.<br />

Ici, en surface, il nous soutient. Il pèle et perd <strong>de</strong>s lambeaux <strong>de</strong><br />

peau tout comme nous, sous forme <strong>de</strong> sable, <strong>de</strong> gravier et <strong>de</strong><br />

rochers. Mais cela fait toujours partie <strong>de</strong> lui. Quand les hommes<br />

découpent le roc, il ne tombe plus où il <strong>de</strong>vrait. Ils prennent la<br />

roche et en font <strong>de</strong> fausses montagnes, et cette roche est morte.<br />

Elle ne fait plus partie <strong>de</strong> lui. Elle est perdue pour lui jusqu’à ce<br />

que, au fil <strong>de</strong>s siècles, il la transforme à nouveau en sable. Il<br />

pourrait tous vous tuer rien qu’en éternuant, fit Helmut avec<br />

colère, mais il s’en abstient. Parce qu’il respecte la vie, même<br />

mauvaise. Même ―civilisée‖. »<br />

Helmut ne s’exprimait pas comme un enfant.<br />

- 132 -

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!