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Note de l'autour

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sur le trône, ce <strong>de</strong>vait être celui qui lui procurerait le plus grand<br />

plaisir. Mon frère, cette piètre contrefaçon <strong>de</strong> fils <strong>de</strong> Mueller,<br />

<strong>de</strong>vint aussitôt arrogant ; sans nommer mon mal, il me<br />

témoigna cette con<strong>de</strong>scendance dont même les lâches ont la<br />

grâce <strong>de</strong> ne faire preuve qu’envers le cadavre <strong>de</strong> leurs ennemis.<br />

Il savait, et je ne savais pas encore.<br />

Père ne s’en serait pas rendu compte. Le Mueller avait<br />

toujours trop <strong>de</strong> travail ; il n’avait pas le temps <strong>de</strong> m’observer<br />

lui-même. Mais il me faisait surveiller, par tous mes tuteurs et<br />

la moitié <strong>de</strong> mes amis. Surtout à la puberté, cette pério<strong>de</strong><br />

cruciale porteuse du plus grand danger.<br />

Celui chez qui coule le sang <strong>de</strong> Mueller jouit d’un don<br />

formidable : il se soigne si vite qu’une cicatrice se forme avant<br />

que le sang ait séché, et que tout membre perdu repousse. Cela<br />

nous rend très durs à tuer.<br />

Nos ennemis préten<strong>de</strong>nt que les Mueller ne ressentent pas la<br />

douleur, mais c’est faux. Ils ont cette impression parce qu’au<br />

combat nous encaissons volontiers <strong>de</strong>s coups dangereux qu’un<br />

autre <strong>de</strong>vrait parer pour sauver sa peau et, alors que l’épée <strong>de</strong><br />

l’ennemi s’est enfoncée dans notre chair, nous sommes capables<br />

<strong>de</strong> le tuer puis <strong>de</strong> poursuivre en quête d’un autre adversaire,<br />

notre blessure déjà en voie <strong>de</strong> guérison.<br />

Pourtant nous ressentons la douleur, comme tout le mon<strong>de</strong>.<br />

Nos femmes s’évanouissent en couches quand la chair se<br />

déchire. Que l’on place notre main au feu, et la souffrance<br />

embrase notre cerveau comme celui <strong>de</strong> tout homme. Nous<br />

ressentons la douleur. Ce que nous ignorons, c’est la peur. Ou<br />

plutôt, nous avons appris à dissocier douleur et peur.<br />

À d’autres, la souffrance signale que leur vie est en danger ;<br />

pour se préserver, ils doivent systématiquement l’éviter, par<br />

tous les moyens. Mais pour un Mueller, la douleur implique un<br />

danger mineur. La mort ne nous atteint que par <strong>de</strong>s voies au<strong>de</strong>là<br />

<strong>de</strong> toute souffrance : la sénilité qui nous effrite, la noya<strong>de</strong> et<br />

son souffle froid, la décapitation et sa perte <strong>de</strong> sensations dans<br />

tout le corps. Coupure, brûlure, coup <strong>de</strong> couteau ou os brisé,<br />

tout cela implique seulement que notre corps va perdre un peu<br />

<strong>de</strong> vigueur le temps <strong>de</strong> se soigner, que nous serons nourris <strong>de</strong><br />

vian<strong>de</strong> saignante plutôt que <strong>de</strong> radis à la fin <strong>de</strong> la bataille.<br />

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