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Note de l'autour

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comme s’ils espéraient (et je suis sûr que c’était le cas) que mon<br />

cheval tomberait et m’écraserait dans les cendres <strong>de</strong> ce qui était<br />

autrefois <strong>de</strong>s champs <strong>de</strong> céréales. Ou peut-être ne pensaient-ils<br />

plus à moi, se contentant d’avancer en machines <strong>de</strong> chair sur ces<br />

chevaux bondissants, l’esprit vi<strong>de</strong> en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> cette désolation.<br />

Pendant ce trajet, que pouvais-je faire d’autre sinon<br />

réfléchir ? Pour une raison obscure, on me reprochait ces<br />

dévastations – et non pas seulement <strong>de</strong>s étrangers, mais aussi<br />

<strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> Mueller – ceux qui m’aimaient autrefois, si ce<br />

n’est pour moi-même, du moins en tant que fils <strong>de</strong> mon père.<br />

Dinte n’aurait pas pu obtenir ce résultat par ses mensonges, ni<br />

Ruva persua<strong>de</strong>r quiconque <strong>de</strong> me juger ainsi, ni aucun autre<br />

ennemi jaloux. Le soldat disait m’avoir vu. Il m’avait vu, et tout<br />

en sachant que c’était impossible, je ne pouvais pas mettre son<br />

honnêteté en doute. On ne se contentait pas <strong>de</strong> haïr mon nom,<br />

par ici, on haïssait mon visage.<br />

En songeant à la haine et à mon visage, une image <strong>de</strong> moimême<br />

se présenta <strong>de</strong>vant mes yeux, une image qui n’était pas le<br />

souvenir <strong>de</strong> mon visage tel que je le voyais dans les miroirs. Je<br />

connus alors la réponse. Je sus comment toutes les accusations<br />

portées contre moi pouvaient être à la fois vraies et erronées. Je<br />

sus aussi que, si convaincant que fut mon récit, on ne me<br />

croirait jamais.<br />

Les bottes en cuir dur heurtèrent en résonnant le dallage <strong>de</strong>s<br />

couloirs du palais <strong>de</strong> mon père. Je fus traîné sans ménagement<br />

et jeté à terre. J’avais déjà vu cette scène, mais <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong><br />

la barrière, alors que <strong>de</strong>s hommes accusés <strong>de</strong> trahison étaient<br />

préparés pour leur procès. Le procès n’était qu’une formalité.<br />

L’accusation était si grave qu’on ne la portait presque jamais<br />

sans que la culpabilité soit certaine.<br />

Toutefois mes pensées continuaient à vagabon<strong>de</strong>r. Tandis<br />

qu’on me faisait passer par les couloirs et qu’on m’enfermait<br />

dans une petite cellule le temps que la cour se rassemble, je ne<br />

cessai <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r les murs <strong>de</strong> pierre morte, comprenant<br />

combien ce château avait coûté à la terre. Si j’en parlais, on me<br />

prendrait pour un fou. De la pierre vivante ? Mais je m’exprimai<br />

en esprit, je chantai le chant du roc et le sentis résonner.<br />

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