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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IIIL'expérience individuelle et collective des patientsIII-1De l’expérience des PvVIHà des carrières de malades chroniquesTidiane Ndoyeird-00718213, version 1 - 16 Jul 20121. INTRODUCTIONLa maladie chronique est devenue un thème à partentière de la sociologie dans les années 1970,lorsqu’ont été réalisées des descriptions précises duvécu de la chronicité. En effet, nombre de maladieschroniques introduisent la nécessité pour le corpsmédical de déléguer des tâches au malade et à sonentourage ; de plus, elles font intervenir des organisationscomme des associations, qui engagent lapersonne souffrant d’une maladie chronique dansune expérience sociale plus complexe que le seulrapport au corps pathologique. Ces faits exigeaientl’introduction d’approches en sciences sociales quine limitent plus les soins à la seule interfacemalade/médecin (Freidson, 1984). Le malade chroniquetraverse des mondes sociaux hétérogènes quinécessitent une adaptation sans cesse plus complexesoit pour gérer l’information sur la maladie(Goffman, 1975), soit pour mener une activité professionnelleen adéquation avec la maladie, soit pourrépondre sans trop de risque aux injonctions de sasociété (mariage, procréation/reproduction, participationaux dépenses du ménage), etc.Quelques éléments concernant l’arrière-plan théoriquede l’approche de la maladie chronique doivent êtreprésentés. Arthur Kleinman est l’un des premiersanthropologues à avoir étudié les interprétations de lamaladie. Suivant son approche, il existe trois modalitéspossibles de cette thématique : bioclinique (disease),subjective (illness), et sociale (sickness). L’analyse decette dernière modalité est développée par Alan Young(1982) qui y voit l’aspect socioculturel de la maladie.Pour une personne malade, mettre en adéquation lesressentis physiques avec les significations socialementpertinentes contribue à faire accepter socialement lamaladie. L’expérience de la maladie « déborde [donc] lasphère médicale et joue un rôle dans tous les lieux de lavie sociale » (Adam, Herzlich, 2007 : 106). L’impact dela maladie sur les sphères professionnelle et familiales’exprime particulièrement dans la maladie chronique.Un de ses aspects essentiels est la gestion del’information à propos du diagnostic, surtout dans le casd’une maladie stigmatisée comme l’infection à VIH parexemple (Goffman, 1975).Janine Pierret, qui fut la première sociologue à s'intéresserà ces questions en France, montre qu’unePvVIH est poussée à des arbitrages pour gérerl’adaptation de son quotidien à la maladie en mobilisantles ressources dont elle dispose. Elle définit lesressources « dans une acception large pour rendrecompte de l’ensemble des moyens mobilisés et misen œuvre par les personnes pour vivre avec le VIH.Elles sont d’ordre social et individuel, physique etpsychique, et mêlent tout à la fois des aspects matériels,cognitifs, émotionnels et relationnels » (Pierret,2006 : 42). Pour cet auteur, ces ressources sontnécessaires pour continuer son activité professionnelleet conserver sa source de revenus. Les arbitragesconcernent notamment les questions suivantes :« Faut-il se taire ou faire état de sa contamination ?Comment engager une nouvelle relation affective etsexuelle avec l’infection VIH et comment l’annoncer ? »Ces questions montrent que « le contrôle de l'informationoccupe une position centrale dans la vie de cespersonnes ». Cette « gestion de l’information »(Goffman, 1975) a une influence importante sur lesrapports que la personne concernée entretient avecson entourage.Vivre avec le VIH à long terme conduit ainsi lespersonnes à reconsidérer leur devenir et leursrelations avec les autres (<strong>Sow</strong>, <strong>Desclaux</strong>, 2002 :170). L’évolution biographique est en grande partiefonction de la manière dont la personne a décidé defaire face à sa maladie : partager ou pas l'information,respecter les traitements, s’isoler ou se re-socialiser(réseaux sociaux, professionnels et/ouassociations, etc.). Ces choix dessinent des« carrières de malades », définies d’un point de vuesociologique comme des itinéraires individuels qui,à l’instar de carrières professionnelles, suivent unscript biographique et reposent sur un « travail » (entermes d'adaptations, de relations, de communication,d'acquisition de connaissances) centré sur lamaladie (Pierret, 2007).D’un milieu à un autre, d’une culture à l’autre,l’expérience de la maladie peut être diversementvécue et exprimée. Les modalités de l’expérience et lescarrières de malades sont-elles similaires à Dakar età Paris, là où Janine Pierret a réalisé ses enquêtes ?Le propos de ce chapitre est de présenterl’expérience des personnes vivant avec le VIH àDakar, en l’abordant sous trois aspects : les rapportsavec la biomédecine et le système de soins,105

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