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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-2Lipodystrophies : perceptions et souffrance des personnes atteintes, réponses collectivesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012trophies ne semblent pas encore faire l’objet dereprésentations spécifiques qui les associent autraitement antirétroviral dans la population générale,ni même parmi les personnes vivant avec le VIHencore assez peu informées à ce propos. Elles nefont pas non plus l’objet de représentations profanesqui se démarquent des représentations biomédicaleset ne semblent pas traitées de manière spécifiquedans les secteurs de soins traditionnel ou populaire.Néanmoins, les symptomes éprouvés (« les nerfssortent », « les veines sortent », « les joues sont creusées») sont inhabituels et suscitent la curiosité. Ils nesont pas rattachés à d’autres entités nosologiques qui« fixeraient » leur perception. In fine ils peuvent êtreassociés au vieillissement accéléré ou à la vieillesse,ce qui neutralise la marque sociale du symptôme ou àl’inverse peut être source de souffrance pour lespersonnes qui ne se sentent pas « en phase » avecles normes sociales, n’ayant pas accompli ce qu’ellespensent devoir l’être à leur âge. Les gynécomastiesmasculines posent un problème spécifique.Jusqu’à présent il ne semble pas exister d'élaborationd’un discours collectif sur les lipodystrophieshors du système de soins biomédical, où les perceptionsrestent d’abord des constructions individuellesà partir d’informations reçues dans le cadre de larelation de soins. Ces représentations semblent peuévolutives, en l’absence de solution curative et alorsque les médicaments en cause ont été supprimés.On ne relève aucune revendication pour l’accès enAfrique aux traitements curatifs des lipodystrophiesdisponibles au Nord.Cette dynamique des perceptions et représentationsdes lipodystrophies doit être située dans l’histoire deseffets secondaires des antirétroviraux. Les effets destraitements antirétroviraux sur le poids et l’appétit ontd’abord été perçus au niveau individuel et au niveaucollectif comme très positifs. La récupération d’uneapparence physique normale rassurait l’entourage etles enquêtes menées au début des années 2000 ontmontré qu’elle renforçait l’adhésion du patient auxARV ; on peut se demander si cela n’a pas favoriséun certain degré d’indifférence aux formes hypertrophiques.Les lipodystrophies sont toujours interprétéesen partie comme un « prix à payer » pour l’accèsau traitement du sida, comme le dit explicitementAwa : « Vous avez l’impression que les gens se suffisentdu peu. Le fait d’avoir les ARV gratuitement,pour eux c’est, c’est le ciel en cadeau ». L’évictiondes régimes thérapeutiques les plus susceptibles degénérer des lipodystrophies a constitué la réponsede santé publique à ce trouble, désormais considérépar les soignants comme « résiduel ».Significations pour les institutions internationalesvs. les patientsLes lipodystrophies sont considérées par les institutionsinternationales comme un trouble clinique :- secondaire (à l’utilisation de traitements efficaces etsalvateurs)- résiduel depuis l’éviction des combinaisons thérapeutiquesen causer- éversible pour un certain nombre de patients (laproportion n’étant pas connue)- touchant un petit nombre de personnes sous traitement- aux effets essentiellement esthétiques.Notre étude montre que du point de vue des personnesatteintes, ces symptômes peuvent :- être non réversibles à l’arrêt du traitement et nonrésolus par un régime et des règles hygiéno-diététiques- être extrêmement douloureux lorsqu’ils sont vécuscomme stigmatisants- altérer l’image de soi et conduire à un état dépressifcréer un trouble dans les assignations sociales suscitantune désocialisation, dont les effets sociaux nes’amenuisent pas avec le temps- susciter des troubles de l’observance ou de la relationde soins jusqu’à une interruption du traitement- faire passer au second plan les bénéfices biocliniquesdes antirétroviraux.Ceci appelle à remettre en cause une acception decet effet secondaire qui ne le considére pas commeun problème de santé publique, et n’ouvre pas deréflexion autour de l’absence de proposition curativeou palliative en Afrique.6. CONCLUSIONNotre enquête montre que les lipodystrophiespeuvent représenter un effet indésirable source desouffrance psychique, comme dans les pays duNord, où notamment l’étude ANRS-VESPA réaliséeen France montrait que la proportion de patientsanxieux et dépressifs est maximale parmi les patientsqui déclarent souffrir de lipodystrophies (15% despatients sont alors dépressifs) et d’effets secondairesgênants (24% sont dépressifs, alors que le taux pourl’ensemble des patients est de 11%) (12).La question de l’inégalité entre Nord et Sud autourdes lipodystrophies a été posée récemment parWomack dans des termes caricaturaux : « Becausegeneric fixed-dose combinations are far less expensivethan newer, brand-name alternatives, persons141

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