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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-1De l’expérience des PvVIH à des carrières de malades chroniquesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012« Une réaction négative réelle ou perçue commetelle, provenant d’un particulier, d’une communautéou d’une société, à l’encontre d’une personne ou d’ungroupe de personnes. Elle se caractérise par le rejet,la dénégation, le discrédit, le mépris, la dévalorisationet la mise à distance sur le plan social. Elleconduit souvent à la discrimination et à la violationdes droits de l’homme. (6) »Sous la notion générale de stigmatisation, on peutdifférencier deux formes : le stigmate objectivé et lestigmate internalisé. Les entretiens menés dans cetteétude montrent que de nombreuses PvVIH considèrentqu’être porteur de VIH est encore une situationstigmatisante. Les messages de prévention diffusésau début de la maladie les présentaient commemaigres et rachitiques. De plus, les allusions auxcomportements sexuels débridés ont jeté un discréditsur les personnes atteintes : vivre avec le VIH estdevenu synonyme d’une « mauvaise vie ». Lesautres modes de transmission ont été peu pris encompte dans les perceptions populaires. Dès lors,pour les PvVIH rencontrées, il est important de sedémarquer de cette image ou de cacher des signesdistinctifs. Prendre du poids est un indice de bonnesanté qui éloigne la suspicion de statut VIH+.Les entretiens montrent que les familles des PvVIHne se considérant pas concernées par la maladie –puisqu’elles pensent ne pas compter de PvVIHn’hésitentpas à émettre des opinions négatives surla maladie en présence des personnes qui en souffrentmais ne sont pas identifiées comme telles. Lesdiscours rapportés par les PvVIH et tenus par leurentourage rendent compte de propos souventviolents contre elles, considérant les PvVIH commedes personnes avec lesquelles il n’est pas possiblede vivre ou qu’il faut tenir à l’écart de la vie sociale etvis-à-vis desquelles il faut adopter des mesures particulièresd’hygiène. Parmi les situations pouvantsusciter le rejet, nous pouvons évoquer la diffusionde pièces de théâtres, de messages éducatifs etd’émissions de télévision, notamment à l’occasiondes évènements marquants (journée mondiale, etc.) ;ces situations sont aussi des occasions de parler dela maladie en famille. Les échanges provoqués sontrévélateurs des perceptions stigmatisantes quipersistent sur le VIH :« Les pièces de théâtres diffusées à la télé sontl’occasion de discrimination et de stigmatisation dansles familles. Chez moi par exemple, lorsqu’une pièceporte sur des PvVIH, ma belle-sœur en profite pourfaire ses commentaires. Elle dit que les personnesatteintes, on doit les tuer parce qu’elles sont de mauvaises personnes, qui méritent bien ce qui leur arrive.Elle n’est juste pas informée puisqu’il y a plusieursmoyens de transmission et pas seulement la voiesexuelle » (femme, 28 ans).Ces réactions et propos entretiennent la peur desPvVIH de communiquer leur maladie et les amènentà penser que la stigmatisation se pérennise.Des cas où la stigmatisation est objectivée sontégalement rapportés. Certains interviewés rapportentla prise de mesures draconiennes d’hygiène parl’entourage pour protéger les endroits que les PvVIHpartagent avec d’autres au sein des espaces domestiques(toilettes) :« Chaque fois que je sors des toilettes, ma mèreutilise des produits de nettoyage pour rincer à grandeeau » (femme, 32 ans).D’autres témoignages attestent de mise à l’écart etde stigmatisation au sein des familles :« Quand mon enfant voulait prendre les restes de ceque j’avais mangé, il lui arrachait la cuillère et luidisait « tu veux mourir ou quoi ? ». Cela me faisaittrop mal. Je m’étais mise à l’écart, je partageais leminimum avec les autres de peur de me faire rejeterpar mon mari (...) » (femme, 40 ans).Cette femme qui est restée plusieurs années sansentretenir des relations sexuelles avec son mari a punormaliser ses relations avec ce dernier après unemédiation d’un autre membre de la famille qui a assistéà une de leurs disputes et a compris l’écart entre lesconjoints ; depuis, la situation a plutôt bien évolué.D’autres femmes qui ont perdu leur conjoint dans descirconstances connues par la famille de ce dernier sesont vues abandonnées du jour au lendemain par despersonnes qui les fréquentaient assidument. Lesrelations ne sont maintenues, pour certaines, quelorsqu’elles restent longtemps sans tomber malades,sans montrer de signes cliniques et en maintenant unecorpulence qui fait douter les anciens accusateurs.Ces expériences sont révélatrices d’une persistancede la condamnation sociale. Lorsque la mise à l’écartet la condamnation sont partagées notamment ausein des groupes, cela n’encourage pas les PvVIH à(6) ACORD, « Démêler les phénomènes de stigmatisation et de discriminationrelatifs au VIH/sida : le rôle de la recherche à base communautaire.Etudes de cas : Ouganda du nord et Burundi »,http://www.acordinternational.org/silo/files/dmler-les-phnomnes-de-stigmatisation-et-de-discrimination-relatifs-au-VIHsida.pdf109

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