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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-3Perception du risque de transmission et sexualitéird-00718213, version 1 - 16 Jul 20123.2. Sexualite et procréationLa naissance des premiers enfants nés de mèressous ARV surnommés par certains patients « bébésARV » atteste de la recrudescence de la vie activitéssexuelles ; entre 1998 et 2009, 17 enfants sont nésde père ou de mère appartenant au groupe des 35personnes enquêtées. Ils ont pu bénéficier desmesures de prévention de la transmission du virus dela mère à l’enfant par des thérapies antirétroviralesadaptées : aucun d’entre eux n’est séropositif.Ces résultats renforcent la perception d’un moindrerisque de transmissibilité du VIH. Ils infirment lesdiscours tenus par les professionnels de santé. Cesderniers avaient déconseillé, voire interdit, la procréationaux patients ; ils évoquaient la transmission duVIH à l’enfant, en plus du risque pour la santé de lamère. Au-delà, ils insistaient sur l’hypothèse de ladisparition précoce des parents et de la situationd’orphelin de l’enfant. Les premières expériencesvolontaires de procréation ont souvent lieu sansinformer les professionnels de santé ; les patients,hommes ou femmes, déclarent la grossesse comme« un accident ». La naissance d’enfants non séropositifspar des mères sous ARV confirme aux yeux despatients la « puissance » de protection et l’innocuitéde ce traitement. Selon eux, si le traitement ARV peutempêcher la transmission du virus de la mère àl’enfant, il peut également empêcher la transmissiondu partenaire en cas de relations sexuelles.4. DISCUSSIONL’analyse des pratiques sexuelles des patients sousARV depuis plusieurs années au Sénégal montre unebaisse de la perception du risque de transmissibilité duVIH, la reviviscence du désir sexuel et une plus grandefréquence des relations sexuelles avec des partenairesde statut sérologiques différents. L’expérience empiriquedu mieux être vécue par les patients séropositifsgrâce aux ARV favorise l’éloignement de la perceptionde la menace lié au VIH pour soi et les proches notammentles partenaires sexuels, la descendance.Au fil du temps, la mise en balance des risquessociaux et infectieux liés à la transmission sexuelledu VIH par des patients sous ARV a évolué. Laperception de l’efficacité du traitement ARV tend àneutraliser celle de la gravité des risques de transmissiondu VIH. Dans un contexte social valorisant lafécondité et tolérant le multipartenariat sexuel, leveuvage, le célibat prolongé ou l’infécondité despatients que nous avons interrogés deviennent sourcesde souffrance individuelle, familiale et parfoisobjet de stigmatisation sociale. La perception durisque de dévalorisation sociale devance celle de latransmissibilité du VIH.On observe une tendance vers la normalisation descomportements sexuels des patients sous ARV endehors de toute information scientifique sur les effetsdes ARV sur le risque de transmission sexuelle. Lespréoccupations relatives à la sexualité sont devenuesl’objet de nombreux questionnements. Les patients,hommes et femmes, rapportent l’absence d'informationsclaires sur l’impact du traitement sur les risquesde transmissibilité. L’usage du « tout préservatif »comme seule solution préconisé par les professionnelsde santé, et le risque de surinfection, que cesderniers évoquent pour justifier l’interdiction desrelations sexuelles non protégées notamment au seindes couples séroconcordants, ne leur semblent pasjustifiés ou difficilement applicables dans certainscontextes familiaux. Les « bébé ARV » non séropositifs,ou des partenaires sexuels demeurés séronégatifsen dépit de relations non protégées avec despatients sous ARV renforcent ces perceptions.Des recherches effectuées dans divers pays (8) (10)(12) (13) (15) ont montré l’importance des troubles dela sexualité chez les personnes séropositives ellesont rapportée une variété de pratiques : l’abstinencesexuelle, la « retraite sexuelle précoce ». Les raisonsévoquées sont « la peur de contaminer et le manqued’envie » ; ces études ont également identifiée l'irrégularitéde l’utilisation du préservatif et « des pratiquessexuelles à risques » en augmentation notammentchez les patients sous ARV parfois motivée parun désir d’enfant.Jusque là, les stratégies, à travers le concept de« prévention positive », faisaient appel au renforcementde compétences des individus sur le VIH et leurresponsabilité individuelle par l’adoption de comportementspréventifs centrés sur l’abstinence ou lepréservatif. De nombreuses contraintes ont été identifiéespour un usage régulier du préservatif perçudans différents pays d’Afrique comme « méthode àl’acte » (18) pour une sexualité épisodique sansenjeux de procréation souvent socialement« condamnée ».Les interventions en santé publique développéesavec les ARV se sont concentrées sur l’accélérationde l’accès, géographique et financier, le renforcementde l’observance et le soutien psychosocial,mais peu de stratégies ont accompagné efficacementles effets sur la sexualité, le désir d’enfanttransmission sexuelle du VIH.150

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