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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-1De l’expérience des PvVIH à des carrières de malades chroniquesird-00718213, version 1 - 16 Jul 20123.2. l’experience sexuelle et affectivedes PvVIHL’expérience des PvVIH est très évolutive dans cedomaine précis comme dans d’autres. CertainesPvVIH ont refusé d’avoir une sexualité au moment oùelles ont été dépistées. Mais ce rejet initial tend à serelativiser avec le temps. Certains ont cherchéd’autres façons de normaliser leur sexualité en changeantleurs pratiques dans le sens de la prévention,en réduisant la fréquence des rapports sexuels, enmodifiant le choix des partenaires, etc.Pour d’autres, en général les plus âgés (dépistésaprès 40 ans), on note un renoncement à la sexualité,une pratique de la masturbation chez quelquesrares hommes qui se sont prononcés à ce propos.Les femmes d’un certain âge préfèrent renoncer à lasexualité ou ne se prononcent pas sur cette question.Les plus jeunes essayent d’envisager une sexualitédans le cadre conjugal. Les pratiques sexuelles sontpeu abordées par les femmes, cela pouvant être lié àun biais sexuel, le chercheur étant un homme. Maisle renoncement à la sexualité a semblé plusprononcé chez les femmes de cette catégorie d’âge(dépistées après 40 ans) qui pour plusieurs d’entreelles se définissent comme ayant déjà fait leur vie etne se préoccupant plus des questions de sexualité.Ayant des grands enfants, ces PvVIH préfèrent sesacrifier pour ne pas trop soumettre leur famille à desajustements difficiles qui seraient imposés parl’accueil d’une personne nouvelle dans la famille(mari de la mère, femme du père, etc.), etc.Pour d’autres personnes engagées dans des couplesséro-différents, si la conjointe ne demande pas ledivorce, elle manifeste sa réticence quant auxrelations sexuelles :« Pour le moment la seule chose qui me fait mal c’estque je ne peux pas prendre de deuxième femme. J’aiune cousine que j’aurais pu épouser. Ma femme sefout de moi de plus en plus. Moi j’ai envie d’avoir unesexualité. Elle, elle fait ses activités politiques. Elle nes’occupe plus de moi, même pour avoir un café, c’esttout un problème. Même si je ne me protège pas, jevais prendre une deuxième femme. J’ai des frèresqui m’aident et ma fille aussi est prof et m’aide à la findu mois. Donc, je peux matériellement y faire face »(Mamadou, 62 ans).La sexualité change de forme avec le temps. Endehors de dysfonctions affirmées, des PvVIH veulentrenouer avec une sexualité et une vie affective. Cecise traduit par la recherche de partenaires sexuels àtravers les désirs de mariage ou de remariage(notamment dans le cadre de la polygamie) commedans l’extrait précédent, et les rencontres avec despartenaires occasionnels. Ce retour vers la sexualitése traduit aussi à travers un désir manifesté deprocréation.3.3. Les désirs de procréationPour apparaître aussi normal que prétend l’être unePvVIH qui ne révèle pas sa séropositivité dans safamille, il faut donner des preuves de sa masculinité oude sa féminité, par le mariage et la procréation.Plusieurs PvVIH ont manifesté le désir d’avoir desenfants biologiques. Elles sont encore nombreuses –pour celles qui n’en ont pas, ou pas avec le conjointactuel – à désirer en avoir. Cette quête se justifie parplusieurs souhaits : faire disparaître le stigmate desPvVIH (8) , acquérir une place d’épouse privilégiée, répondreaux attentes sociales de maternité et de paternité,montrer sa virilité, etc. L’extrait suivant résume bien cetteévolution dans le désir de procréation :« Moi ce qui me posait le plus de problèmes c’est aumoment où on disait qu’on ne pouvait pas se marier,ou si tu te maries, tu ne pouvais pas avoir des enfantset ensuite on a encore dit qu’on pouvait avoir desenfants séronégatifs. Là j’ai commencé à vraimentrenouer avec l’espoir, à me sentir bien et à banaliserla maladie. Maintenant, il m’arrive de penser parfoisà la maladie mais pas avec le même poids. »(Doudou, 46 ans).Le désir de procréation marque ainsi la quête d’unenormalité sociale dans une société qui accorde unegrande valeur à l’enfant et à la procréation dans uncadre conjugal. Choisir de ne pas avoir d’enfant sejustifie très difficilement et constitue une dérogationaux normes sociales qu’il convient de corriger.4. LES RELATIONS AVECLA FAMILLE ET L’ENTOURAGEAu fil des années sont apparues des questions sur untraitement censé continuer indéfiniment. Les raisonsdonnées à l’entourage sur cette prise ininterrompuede médicaments tendent à installer les PvVIH dansun certain malaise. Des PvVIH n’hésitent pas à dire àleur entourage qu’elles souffrent d’autres maladies(8) Dans le subconscient collectif, avoir le VIH empêche d’avoir un enfantpuisqu’à tous les coups, avoir des enfants implique de les exposer et doncde révèler son statut sérologique à travers celui de l’enfant. Faire un enfantindemne de VIH est comme un signe de non infection par le VIH.111

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