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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE VI-5Le mariage, entre souhait et obligationird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012m'a appelé un jour pour me demander de discuterentre une mère et son fils, de lui dire si j’étais malade,en somme si j’étais impuissant. Je l’ai rassurée. »(Lamine, 45 ans et célibataire)« Depuis que j’ai repris la forme, ma mère me dittoujours qu’il est temps que je me trouve une épouse ».(Omar, la trentaine, célibataire)Les attitudes insistantes sont principalement le fait desmères des personnes concernées. Ceci tient au fait quela mère joue un rôle important dans l’organisation de lavie des « jeunes », notamment concernant leur mariage :elle décide généralement du moment, et choisit souventla conjointe de leur fils. Pour les hommes l’insistance destiers, à laquelle ils se soumettent, exprime la nécessitéde se marier pour se conformer à l’ordre social.Cette « pression » de la part de tiers, en premier lieunormative, a un motif supplémentaire lorsqu’il s’agitdes femmes : qu’elles soient célibataires ou veuves, lapression vient d’abord des membres du foyer où ellessont accueillies, qui attendent qu’elles quittent cefoyer. Ces pressions sont notamment le fait desfemmes craignant que celle qui a été accueillie nedevienne une concurrente, ou reste indéfiniment dansla maison et entame leur préséance ou émarge sur lesressources collectives. Une jeune femme célibataireque nous avons rencontrée, qui vit chez son frère,rapporte que c’est la femme de ce dernier qui lui« mène la vie dure » pour qu’elle se marie. La dépendancedes femmes vis-à-vis du foyer accroît la volontéde leur chercher un conjoint qui puisse les aidernotamment dans la prise en charge des enfants.De plus, il n’est pas bien vu d’avoir dans le foyer uneveuve ou une divorcée. Elles peuvent être perçuescomme des femmes qui entretiennent des relationssexuelles avec des hommes avec lesquels elles nesont pas mariées, ce qui est interprété comme unmanque de vertu. Si les enfants du précédent mariagesont assez âgés, ils sont souvent les premiers à exprimerleur désaccord et/ou mécontentement.Pour Oumou, 42 ans, veuve, quel que soit le lieu, toutson réseau de connaissance insiste :« A la maison c’est dur. Au Fouta aussi. Tout le mondeme dit que je ne veux pas me marier et ça c’est trèsmal vu (…) Mais la pression est dure et tout le mondeme dit que ça fait trop longtemps que je suis restéesans un homme et ce n’est pas bien ».Ces derniers propos sont en accord avec d’autrespropos recueillis qui montrent que le mariage a unevaleur non seulement sociale mais aussi morale – cequi reflète probablement la valeur qui lui est accordéepar la religion. Ils montrent également que le mariagen’est pas qu’un choix individuel ; les pressions aumariage ou au remariage attestent d’une conceptionde la vie « normale », qui passe par le couple et lefoyer. Les gardiens de cette normalité sont souventdes femmes, probablement du fait de leur rôle dans lareproduction de la famille, qui les conduit à « faciliter »les unions en repérant une future épouse pour laquelled’autres (tels que l’oncle du futur marié) se chargerontdes « négociations » avec ses ascendants.Pour un homme les propositions d’épouses peuventêtre nombreuses, comme peuvent l’être les prétendantspour une femme. S’ils sont de la même familleque la femme, la pression sera d’autant plus importantequ’ils pourront recourir aux parents de la femme(en tant que parents directs) ou recourir à leurspropres parents pour intercéder auprès de ceux de lafemme. Ces situations limitent les possibilités dereporter indéfiniment le mariage, les échappatoires nepouvant être que temporaires.La pression est aussi exercée par des amis, des personnesdu même âge. Bien que la société sénégalaise sesoit dégagée d’une organisation stricte par classed’âges (Diédhiou 2009) et que les itinéraires biographiquess’individualisent de plus en plus, l’institution dumariage rappelle les paliers de la vie adulte et tend àuniformiser les biographies autour d’un rite de passage.Cette pression au mariage n’est pas éprouvée seulementpar les PvVIH, mais elle peut être vécue partous. La particularité pour les PvVIH est que les« retards biographiques » par rapport aux normessociales dus aux périodes d’incertitude, de retrait oude maladie qu’ils ont vécues, les exposent davantageà ces attitudes.4.2. Le mariage comme souhait personnelLe même entretien d’Amadou montre que la décisioncollective ne va pas toujours à l’encontre du choixpersonnel : dans son cas, le modèle de l’union matrimonialearrangée rejoint celui d’une union romantique.Il mentionne qu’il aime son épouse, et forme un coupleavec elle, après un mariage qui s’est appuyé sur unsecret partagé à propos du statut VIH. Lamine parlede sa copine, avec laquelle il sort, dont il dit explicitementqu’il l’aime et voudrait l’épouser.D’autres entretiens, surtout masculins, attestent dedésirs de mariage avec une personne déterminée.246

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