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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-3Perception du risque de transmission et sexualitéird-00718213, version 1 - 16 Jul 20123. RÉSULTATSAu cours des années de suivi, de nouveaux thèmesont émergés dans les entretiens et les discussions, etles préoccupations des personnes enquêtés se sontcentrées sur les aspects relatifs à la procréation : leseffets des ARV sur la fertilité, la sexualité, le désird’enfant, le mariage.Les entretiens montrent qu’en matière de sexualité,de manière générale, les pratiques de prévention dela transmission sexuelle du VIH évoluent au cours dutemps. Cette évolution peut-être décrite en distinguanten trois grandes étapes :- une période initiale d’abstinence sexuelle ;- une période de reprise des relations sexuelles ;- une période de retour à la normale.A ces phases relatives à la sexualité, correspondentdes attitudes différentes concernant la prévention dela transmission du VIH.3.1. Les étapes de la vie sexuelle aprèsl'annonce de la séropsitivite3.1.1. La période d’abstinenceLa période d’abstinence sexuelle est généralementconsécutive à l’annonce de la séropositivité. le dépistagedu VIH est souvent réalisé tardivement, aussi laplupart des patients sont fortement immunodéprimés,affaiblis par diverses infections opportunistes.Sous le choc de cette nouvelle, ils retiennent desconseils des professionnels de santé la dissuasiond’entretenir des relations sexuelles ; ils entendent unton très fermement moralisateur : « éviter de faire dumal à quelqu’un » ou « d’aggraver son cas ».La majeure partie des patients éprouve soit un sentimentde culpabilité, soit celui d’être victime d’uneinconduite sexuelle, selon les circonstances de transmissiondu VIH. L’un ou l’autre de ces sentimentsprovoque un rejet d’activité sexuelle, qui est associéeà la notion de risque. Les patients, qui vivent douloureusementleur situation, font le deuil de leur viesexuelle pour se protéger de tout risque d'aggravation; durant cette période, ils rapportent qu’ils éprouventpeu, ou pas, de désir sexuel.Dans un premier temps, l’initiation du traitement ARVrenforce la motivation en faveur de l’abstinence. Lespatients perçoivent les ARV comme une « unechance », qu’ils doivent « mériter » pour rester envie ; ils concentrent toute leur attention au respectdes prescriptions en vue d’en optimiser les effets ; ilsne veulent pas prendre le risque d’être « surinfecté », detransmettre le VIH ou de perdre la « confiance » dessoignants. Les célibataires, les veufs ou les divorcéssont les plus abstinents, car ils éprouvent une culpabilitéaccrue d’être séropositif et d’entretenir desrelations sexuelles hors des liens du mariage ;certains de ces patients vivent cette période commeune véritable rédemption en choisissant une abstinencesexuelle totale ; c’est le cas d’Abdou, divorcédepuis cinq ans, qui n’a pas eu de relations sexuellesdurant les trois premières années après la découvertedu statut sérologique ; il déclare à ce propos :« Moins j’ai de relations sexuelles, mieux je me porte ».La durée de la période d’abstinence est variable allantde quelques mois à plusieurs années. Elle est généralementplus longue pour les femmes que les hommes, lespersonnes seules que les couples. Un patient mariévivant dans un couple sérodiscordant nous a déclaréêtre resté 7 ans sans entretenir de relations sexuelles.Les quelques patients qui ont continué à avoir occasionnellementdes relations sexuelles étaient tousmariés ; parmi ces derniers, tous n’ont pas informéleurs partenaires de leur statut sérologique ; l’usagedu préservatif en est alors rendu difficile malgré lesrecommandations des prestataires de soins qui leuren fournissent. Plusieurs femmes mariées sous ARVse sont plaintes du refus de leur époux d’utiliser despréservatifs ; deux d’entre elles ont même momentanémentquitté le domicile conjugal pour ne plus subirde relations sexuelles non protégées, parce qu’ellesles estimaient « dangereuses » pour elles et « incompatibleavec le traitement ARV ».3.1.2. La période de reprise d’une vie sexuelleLa période d’abstinence est suivie d’une deuxièmepériode de dédramatisation progressive de l’infectionà VIH. La crainte du risque de transmission du VIHlors des relations sexuelles s’atténue. Le quotidiendes patients revient à la normale ; dans un contextesocial où l’embonpoint est à la fois synonyme debonne santé et de réussite sociale, l’augmentation depoids qui succède à la disparition des symptômesrenforce l’adhésion des patients au traitement ARV.Les modalités de prise des ARV sont de plus en plusintégrées dans le quotidien des patients. Ces derniersretiennent des explications des professionnels desoins sur l’amélioration de leur santé que le virus estdevenu si faible qu’on ne plus le détecter. Ils lient laperte du pouvoir nocif du virus à la « puissance » et la« force » des ARV.148

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