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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE VI-5Le mariage, entre souhait et obligationird-00718213, version 1 - 16 Jul 20126.3. Des stratégies personnelles adaptées àdes situations singulièresLes situations des personnes interviewées mettent enjeu diversement des éléments importants pour le choixdu conjoint et la décision de mariage, qui incluent laconnaissance du statut VIH par diverses personnes, lescontraintes sociales relatives à la sélection du conjoint etle rôle que revendiquent les tiers à ce propos, la pré-sélectiond’une personne comme futur conjoint et la possibilitéde communiquer avec elle à propos du VIH.Le cas d’Amadou est particulier, car il a réussi à établirune complicité avec sa future épouse et à monter unstratagème pour contourner les réticences familialeset maintenir le secret sur son statut VIH. Ainsi, il a pusimultanément se marier et effacer la suspicion deséropositivité. Mais le divorce sans enfant qui a suivileur brève union laisse penser que la complicité n’apas épargné le couple d’autres obstacles – commel'ignorance à propos du risque très faible de transmissionsexuelle du VIH dans les couples sérodifférents.L'expérience rapportée conduit à se demander commentAmadou et son épouse ont géré leur sexualité, ets’ils ont bénéficié des conseils médicaux en tant quecouple sérodifférent, ou si l’auto-stigmatisation aconduit Amadou à cacher ce mariage y compris auxprofessionnels de santé, ce qui expliquerait que lecouple n’ait pas eu d’enfant faute de pouvoir l'envisager(ou envisager la sexualité) sereinement.6.4. La complexité des situationsLamine est en butte à des difficultés qui relèvent deplusieurs niveaux, perceptibles dans son récit :« Ma famille me parle toujours de mariage. J’en ai parléà mon médecin en lui disant que la pression commenceà être très forte. J’ai une copine qui habite la Patte d’Oie.J’en ai une autre également qui est une cousine à moi.Mais je vis des difficultés importantes. Je ne me mariepas alors que j’ai une copine. Les gens se posent desquestions. (…) Je ne peux pas me marier. J’ai desdoutes sur le préservatif. Me marier, surtout, avec macousine, c’est révéler à ma famille que rien ne vapuisque je serai obligé d’avoir des rapports protégésavec ma femme qui peut ne pas comprendre et s’enouvrir à son entourage. (…) Moi j’aime une fille qui estséropositive comme moi mais elle est castée(4). (…)Mais je n’ose pas m’en ouvrir à ma mère qui n’aime pasnous voir mariés avec des filles castées. »(4) A propos des castes dans la société sénégalaise voir Diop, 1985 etFainzang et Journet, 1985.Le cas de Lamine montre la complexité de situationsgénérées par la coexistence de règles de sélection duconjoint peu compatibles entre elles. Son cas devraitêtre simple : il aime une jeune femme de statut VIH +comme lui, qui semble prête à l’épouser. Néanmoinsdeux obstacles entravent son projet : sa famille nevalide pas son choix parce que cette jeune femme estcastée ; la famille lui destine une cousine dont il neconnaît pas le statut VIH. Lamine doit donc confronterun conflit de normes collectives, qui s’ajoute au faitque les règles matrimoniales qu’invoque sa famillesont opposées à son souhait personnel.Les propos de Aby illustrent une difficulté d’un autreordre, pour établir des relations sans équivoquelorsque les codes relationnels peuvent être interprétésdifféremment :« J’en ai marre de tous ces hommes qui nous considèrentcomme des proies faciles parce qu’on est veuve.J’ai aidé un ouvrier ici que je plaignais un peu de nepas manger à midi et je l’invitais à venir se restaurer àla maison. Mais il a du prendre cette sollicitude pourde l’intérêt, de l’amour. J’ai du lui faire comprendre queje n’étais pas intéressé et il n’est pas le seul. »Son propos illustre aussi la nécessité de décrypter lesmotivations de prétendants potentiels, ce qui, enl’absence d’intervention des familles pour obtenir desinformations, peut être assez difficile :« Nombreux sont les hommes qui, dès qu’ils te considèrentencore peu âgée, avec une maison laissée parton précédent époux de surcroit, pensent que tu es unbon parti qu’ils peuvent épouser et faire de la maisonun endroit de repos et une manière de profiter d’unequiétude hors des sollicitations de leurs propresenfants et de leurs autres épouses ».Toutes ces difficultés expliquent que les professionnelsde santé soulignent le faible nombre de cas decouples constitués après le diagnostic d’infection àVIH et qui parviennent à une vie maritale satisfaisante.7. DISCUSSIONLa maladie fait partie des conditions reconnues par lasociété qui permettent d’être exempté du mariage(provisoirement ou définitivement). Mais lorsque letraitement gomme les effets physiques d’une maladiechronique et fait perdre le rôle social de malade, etquand la stigmatisation conduit les PvVIH à cacherleur statut, la personne est appelée à se conformeraux pratiques du groupe, à défaut d’une raison250

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