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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-2Lipodystrophies : perceptions et souffrance des personnes atteintes, réponses collectivesird-00718213, version 1 - 16 Jul 20125 DISCUSSIONCette enquête qualitative, menée auprès de 20 personnesatteintes de lipodystrophies cliniques et vivant auSénégal, sur leurs perceptions et conduites thérapeutiques,sembe être une des premières de ce type menéesen Afrique. Elle est cependant méthodologiquementlimitée : le faible effectif des hommes interrogés nous aempéché d’aborder notamment les différences degenre. Les résultats apportent néanmoins des informationsà plusieurs niveaux concernant le rapport despatients à leur traitement, pour un effet indésirablepouvant être source de souffrance, jusqu’à remettre encause l’intérêt du traitement ARV ou conduire lespersonnes à le suspendre. Cet aspect extrême entermes de conséquences médicales doit être situé dansle tableau complexe que représentent les perceptionsdes lipodystrophies et leur traitement social.5.1 Les significations des lipodystrophiespour les personnes atteintesUn effet secondaire souvent inaperçuLa place que prennent les lipodystrophies dans lesrapports des patients à leur traitement dépend enpremier lieu de leur perception et de leur interprétationpar les personnes qui en sont atteintes. Cette perceptionest très variable selon les personnes pour plusieursraisons qui influent sur l’intensité du trouble éprouvé :variété des signes cliniques objectifs, association ou pasavec une maigreur ou un surpoids qui peuvent « neutraliser» les signes objectifs, différences selon la morphologiede la personne, évolutivité du trouble et histoirepersonnelle de la forme corporelle. La perception dutrouble dépend aussi d’autres aspects plus complexesrelatifs d’une part à l’importance que les personnesaccordent à leur image corporelle et d’autre part àl’interprétation du trouble.Les troubles ne semblent pas relever d’un modèleprofane spécifique (symptôme, syndrome ou entiténosologique), notamment parce que leur perception estsoumise à un « effet seuil » diversement apprécié,traçant la limite entre un symptôme très fréquent qui faitpartie des manifestations cliniques de l’infection à VIH(l’amaigrissement) et d’autres symptômes exceptionnelsqui constituent un effet indésirable de son traitement(les lipoatrophies). Les termes utilisés pour lesdécrire sont multiples et assez vagues, et le termelipodystrophie n’est utilisé que par deux personnes. Lafonte des joues n’a pas de statut particulier, à l’inversede ce que l’on observe désormais dans les pays oùles traitements antirétroviraux sont utilisés depuislongtemps et où le caractère pathognomonique de cesigne est connu même dans la population générale,dans une certaine mesure.Les lipodystrophies ne semblent pas faire l’objet deperceptions élaborées de manière collective : lespersonnes qui en sont atteintes n’en parlent pasensemble ou de manière très exceptionnelle ; on nerelève pas de discours communs spécifiques concernantleur étiologie ou leur traitement. Cependantelles sont perçues comme associées au traitementantirétroviral par la plupart des personnes qui s’enplaignent : le caractère « d’effet secondaire » ne faitpour elles pas de doute.Une fatalité pharmacologique relevantde la médecineLes personnes atteintes ne rapportent pas d’autresource d’information à propos des lipodystrophiesque leur médecin et la pharmacienne du CRCF. Ceciexplique qu’elles « endossent » le modèle étiologiquequi leur a été donné par le médecin, et semblentconsidérer les lipodystrophies comme une fatalitépharmacologique associée à certains traitements–essentiellement ceux utilisés au cours des premièresannées de l’ISAARV.« Crixivan, Zérit et Videx, maintenant on a changé ça,mais le visage est toujours le même ». (Anita)Pour les personnes interrogées, les lipodystrophiesrelèvent des aspects médico-techniques du traitement.Elles ne revendiquent pas de connaissances etn’expriment pas de demande ou de critique à cepropos, même si certaines d’entre elles pensent quele médecin n’est peut-être pas allé jusqu’au bout despossibilités. Dans ces cas, c’est plutôt une demanded’attention plus soutenue ou d’une meilleure prise encharge financière qui est exprimée, qui peut prendrela forme d’une demande d’appui psychologiquecomme dans les cas de Omar et Awa.Un effet révélateur et destructeurde l’image de soiLes lipodystrophies constituent un symptôme ou unensemble de symptômes objectifs qui ne provoquentni douleur, ni gène fonctionnelle ; le symptôme estinterprété sur la base d’un critère : l’appréciationqu’en ont les « autres », le « regard social ».Son interprétation est donc soumise d’une part auxdimensions psychologiques qui conditionnent le« vécu » individuel, d’autre part à ce « regard social »qui correspond à un contexte culturel.138

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