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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-5 Typologie de l’expérience du VIH et des ARV au temps de la « normalisation »ird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012ment. D’autres études, essentiellement francophones,montrent que les personnes vivant avec le VIH, en tantque membres d’associations construisent un savoirbasé sur l’expérience (par opposition à celui de lamédecine basé sur la science), qualifié de savoirprofane. Elles deviendraient ainsi des patientsexperts, dont le point de vue sur les situations vécues« sur le terrain » par les personnes atteintes serait deplus en plus reconnu, notamment dans les associationsouvertes à la culture internationale du sida(Billaud 2011). Le contenu de cette expertise restecependant à préciser selon les contextes et les typesd’associations. Ces analyses rejoignent celles quimettent en rapport les notions d’identité et de santé,montrant que la maladie induisant une spoliation del’identité (Goffman 1975), les personnes atteintestrouvent dans les associations le lieu d’une reconstructionidentitaire collective (Reynolds-Whyte 2009).Ces études ont en commun d’aborder l’expérience etl’identité au travers des sociabilités. La présentationhégémonique de ces modèles de patients avant tout «acteurs », voire « experts », a été critiquée, car la focalisationsur les sociabilités associatives des études qui lesont inspirés ne rend pas compte de l’expérience de lamajorité des personnes sous ARV en Afrique, notammentdes femmes, qui ne fréquentent pas toujours lesassociations (Blystad et Moland 2009).Le second courant vise à décrire les interprétationslocales des normes biomédicales internationales, ets’intéresse en premier lieu aux difficultés des patientsdans le contexte des systèmes de soins et des systèmessociaux africains. Les premiers travaux ont tenté decaractériser leur expérience commune en décrivant leprocessus de transition qu’implique l'adaptation auxantirétroviraux, et ses dimensions non médicales, parexemple en Ouganda, où les difficultés de patients sonten premier lieu d’ordre économique (Russell et Seeley2010). L’étude des motifs d’interruption du suivi médicalpar les patients sous antirétroviraux au Mali montrel’importance des contraintes imposées par l’organisationdes soins (Carillon 2011). Les absences répétées dulieu de travail qui amputent les revenus, le coût dessoins et des déplacements, la présence visible dans unlieu de soins : ces traits qui désignent le malade imposentaux personnes atteintes de mettre en place desstratégies de dissimulation, d’autant plus qu’elles maintiennentleur atteinte secrète. C’est aussi au travers descontraintes imposées aux personnes sous traitementset des attitudes de soignants abusivement autoritairesque l’expérience des antirétroviraux est décrite enTanzanie (Mattes 2011). Enfin, les études menées surl’expérience de la maladie en Afrique de l’Est et enAfrique australe mettent l’accent sur la place desEglises, qui constituent pour les personnes atteintes deslieux de re-socialisation, lorsqu’elles ne semblent pastrouver dans les associations ni auprès des services desoins l’appui nécessaire pour gérer la maladie chronique(Dilger et Luig 2010).2. METHODEPour décrire et catégoriser l’expérience des patients,nous avons procédé de manière empirique. Les entretiensmenés dans le cadre de toutes les enquêtesqualitatives spécifiques comprenaient une partie introductiveportant sur l’état de santé et l’expériencesubjective et objective des participants concernantleur maladie et leur traitement. Les entretiens réalisésdans le cadre de trois sous-études (Lipodystrophies,Partage du statut et Enfants) ont été relus parA. <strong>Desclaux</strong> pour en dégager une première catégorisationde l’expérience des patients, qui comprenaitcinq catégories. Cette typologie a été adressée auxauteurs des autres études (K. <strong>Sow</strong>, T. Ndoye) afinqu’ils catégorisent les patients qu’ils avaient interrogés,sur la base d’éléments subjectifs et objectifs issusdes propos de ces participants. Ces catégorisationspratiquées par plusieurs chercheurs, parfois à proposdes mêmes participants qui avaient été interrogésplusieurs fois de manière indépendante, ont permis deconfronter les catégorisations et de revoir le contenudes « types » d’expérience. La seconde typologieproduite par ce processus itératif comprend six catégories,incluant cinq types (et six catégories enincluant la catégorie « inclassable »). Les cas desparticipants classés de manière hétérogène ont faitl’objet d’une relecture spécifique.3. RESULTATS3.1. L’experience quotidienne de la maladiechroniqueLa quasi-totalité des patients font l’expérience de la« maladie chronique » dans la mesure où ils décriventdes négociations et des adaptations permanentesentre les contraintes de la maladie et du traitement etleur vie courante. Ces contraintes concernent essentiellementla gestion de la prise des traitements, celledes effets secondaires et des troubles biocliniquesintercurrents, le recours aux soins et le maintien dusuivi médical, et la gestion de la stigmatisation et dusecret autour du statut VIH. Ces aspects représententun « travail de soins » assez conséquent ; l’impact del’atteinte par le VIH sur la situation matrimoniale est172

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