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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IV-6L’expérience du veuvage dans le contexte du VIHird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012C’est vraiment dur. Et en tant que croyante, jen’aimerais pas commettre d’adultère…En résumé, plusieurs formes d’union matrimonialesont évoquées comme des modèles de remariagepossibles : le lévirat, fréquemment proposé maisaussi souvent refusé, n’apparaît pas « en voie dedisparition » comme l’évoquent les publications sur lesujet ; le modèle du takkoo semble correspondre auxsouhaits de la majorité des femmes, qui seraientheureuses de disposer d’une « couverture sociale »sans les inconvénients et les risques d’un mariage àtemps plein. Une femme évoque de manière résuméeles précautions complexes que doit prendre uneveuve à propos du remariage :Leity : il est difficile de se remarier à cause de notrestatut, à moins que la personne rencontre un PVVIHcomme elle. Parfois aussi, tu peux tomber surquelqu’un qui est malade, mais s’il n’est pas tropactif, tu ne pourras pas l’entretenir en même tempsque tes enfants. Moi personnellement je n’ai pasencore rencontré quelqu’un qu’il me faut. J’en ai vumais c’est souvent des gens qui n’ont rien et je risquede l’entretenir, ce qui n’est pas évident.Ces formes alternatives de mariage que sont lelévirat et le takkoo ne semblent pas avoir joué le rôleattendu pour les femmes que nous avons interrogées.Mais le veuvage prolongé était un critère desélection des personnes participant à l’étude. Seuleune enquête auprès des personnes remariées auraitpermis de préciser si ces formes sociales de secondeunion sont effectivement favorisées parmi lespersonnes vivant avec le VIH. La question des mécanismesde maintien de l’insertion sociale des veuvesdans le contexte du VIH ne trouve pas de réponsedans cette enquête qui a cependant mis au jour lesmodèles d’union possibles et leurs perceptions parmiles candidates.3.2.4. Des situations d’impasseLes femmes que nous avons interrogées rapportenttrès souvent des situations difficiles sur le plan social,économique et relationnel, qui ne permettent pasd’entrevoir de possibilité d’amélioration ni de remariage.Cette absence de perspective leur parait spécifiquementliée au VIH, directement ou indirectement.Elles l’expriment de plusieurs manières : lorsqu’onles interroge sur les motifs de leur non-remariage,elles citent d’abord l’infection à VIH ; toutes celles quise sont exprimées sur ce point disent qu’ellesseraient déjà remariées si le VIH n’avait pas été enjeu. Séquelle du poids psychologique des conditionsde la contamination à aborder sous l’angle individuel,ou phénomène social lié à un contexte, comme lelaisserait penser son caractère collectif ?Comment le VIH vient-il « s’immiscer dans lesrapports sociaux de sexe » ? Au travers de quelsmécanismes biologiques ou sociaux, individuels oucollectifs, empêche-t-il les femmes de se remarier,alors qu’elles ont un traitement antirétroviral au longcours qui leur permet une vie « quasi-normale » ?Bien que l’état de santé n’ait pas été un critère explicite« d’inclusion » dans la population d’enquête, toutes lesfemmes qui ont été interrogées étaient bien portantes etsupportaient bien leur traitement : on peut considérerqu’elles sont « stabilisées » au moment des entretiens.De plus elles ne souffrent pas d’effets indésirables trèshandicapants qui auraient pu marquer leur apparencephysique ou limiter leurs activités –tels que des lipodystrophiesou des neuropathies périphériques. Enfin,aucun signe visible ne tient lieu de stigmate : en attestele fait que peu de personnes de leur entourage sontinformées de leur statut VIH.Ces situations d’impasse dans leur vie sociale sontissues de la conjugaison de préoccupations, inégalementprésentes pour chacune des femmes interrogées: être identifiée comme atteinte par le VIH ; nepouvoir annoncer son statut VIH pour réduire la pressionau remariage ; ne pouvoir annoncer son statut àun prétendant ; la perception d’être contagieuse ; etn’accepter qu’un conjoint vivant avec le VIH. Cespréoccupations sont détaillées ci-dessous.Etre identifiée comme infectée par le VIHPlusieurs femmes disent que le décès de leur maridans des circonstances évoquant le VIH les arendues suspectes d’être elles-mêmes déjà infectéesaux yeux de leur belle-famille, voire au-delà.Madiara : Vous savez, lorsque ton mari meurt,personne ne voudra te remarier parce qu’ils vontpenser que ton mari est mort du VIH. Les parents nevont même pas s’approcher de vous.Cette suspicion suit les lignes d’une épidémiologiepopulaire, qui traduit notamment les représentationsde l’origine exogène de l’épidémie –un invariant- etreflête la distribution épidémiologique réelle dans lesannées 2000 : les pays d’Afrique de l’Ouest côtierscomme la Côte d’Ivoire ou les pays d’Afrique centrale,lieux de migrations de travail pour les Sénégalais, ontconnu des taux de prévalence du VIH beaucoup plusélevés que le Sénégal.272

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