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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE V-6Mesurer la stigmatisation : comparaison entre approches relativiste et universaliste auprès des veuvesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012place pour maintenir le secret est suffisammentefficace pour lui éviter une stigmatisation « en acte ».Mais son incapacité à annoncer son statut VIH à sapropre fille montre bien le poids de la honte attachée àla maladie, qui peut être considérée comme une formed’auto-stigmatisation au sens d’une dépréciation combinéeavec une auto-culpabilisation. Pourtant, elle n’arépondu positivement à aucune question explorant lastigmatisation et l’auto-stigmatisation.BinetaBineta a 36 ans, elle n’a pas été scolarisée, elle estveuve depuis dix ans et sous traitement ARV depuislors, elle a 6 enfants, qui vivent avec elle. Elle fait dupetit commerce. Ses enfants l’aident sur le plan matériel,et ils ne veulent pas qu’elle se remarie malgré lapression des voisins et la médisance. On lui rapporteen permanence la nécessité d’un remariage pour avoirune vie sexuelle ou « parce que ce n’est pas bien demourir sans mari ». Bineta dit qu’elle préfère ne pas seremarier, mais elle est constamment sollicitée etcritiquée à ce propos.Le score de discrimination de Bineta est aussi de 0/3.Elle n’a pas annoncé son statut à des tiers, et continue àlaisser les boites d’antirétroviraux au CRCF pour ne pasrisquer un dévoilement de son statut VIH. Toute sa vieest marquée par le VIH : veuve à 26 ans avec sixenfants qu’elle a dû élever seule, elle est chef deménage mais dépendante de ses enfants. Elle souffredu fait de ne pouvoir expliquer pourquoi elle ne veut passe remarier, et aussi à cause des critiques concernantsa moralité qui en sont la conséquence. Seul l’item« auto-isolement » pour lequel elle a répondu de manièrepositive rend compte de son expérience difficile.Comme ces trois femmes, l’histoire des dix autresfemmes atteste d’un écart entre leurs déclarationsdans l’Enquête Questionnaires et dans l’EnquêteEntretiens.5. ANALYSEAu vu des propos tenus par les femmes veuves aucours de l’Enquête Entretiens, on peut être surpris quedans l’Enquête Questionnaires les femmes veuves nerapportent pas davantage de stigmatisation en acteque les autres femmes, ni même que la populationglobale de l’enquête ANRS 1215. Il en est de mêmepour l’auto-stigmatisation.La stigmatisation vis-à-vis des femmes veuves vivantavec le VIH est-elle inexistante, non perçue par cesfemmes, ou invisible si l’on n’utilise que les outilsgénériques ? Pour répondre à cette question, serontanalysés successivement les motifs qui expliquentl’absence de déclaration de la stigmatisation par lesfemmes et les obstacles inhérents aux questionnairesdans le contexte sénégalais. Des formes de stigmatisationpropres à la situation des veuves et indétectablespar les outils génériques pourraient égalementintervenir, qui seront ensuite discutées.5.1. Les motifs de l’absence de déclarationde la stigmatisation par les femmesLa confrontation des réponses individuelles desfemmes veuves aux questionnaires et leurs propostenus au cours d’entretiens semi-structurés individuelset collectifs et brièvement résumés sous la formed’histoires de cas conduit à émettre une hypothèse :ces femmes ont « sous-déclaré » dans les questionnairesla stigmatisation dont elles ont fait l’objet, et/ouelles n’interprétent pas leur expérience de la mêmemanière que le dispositif d’enquête.Les entretiens approfondis permettent de décrire aumoins trois facteurs qui peuvent être en cause :l'ancienneté de l’expérience de stigmatisation,l'absence d’interprétation des attitudes de tiers commerelevant de la stigmatisation, et la mise en oeuvred’une stratégie de protection efficace.Une expérience de la stigmatisation trop anciennepour être décriteLa quasi-totalité des veuves interrogées ont fait étatd’attitudes stigmatisantes au moment et dans les suitesimmédiates du décès de leur conjoint, notamment de lapart de la belle-famille. Dans la plupart des cas cessituations les ont conduites à se replier sur leur proprefamille ou à se réfugier dans un autre espace social, cequi atteste bien d’une stigmatisation « en acte ». Maispour ces femmes, cet épisode date de plus de dix ansen moyenne et pourrait ne plus être considéré commesuffisamment significatif pour être encore rapporté.Les interprétations de la stigmatisation par lesfemmesDans l’ensemble de la population de la cohorte ANRS1215, la stigmatisation est déclarée plus fréquemmentpar les personnes qui fréquentent les associations quepar celles qui ne les fréquentent pas (9) . La corrélation(9) Voir chapitre sur le devenir des patients388

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