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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IVAspects sociauxIV-3Le partage de l’information sur son statutsérologique dans un contexte de polygamieKhoudia <strong>Sow</strong>ird-00718213, version 1 - 16 Jul 20121. INTRODUCTIONPartager l’information sur son statut sérologique estparticulièrement difficile pour les PVVIH. Les connotationssociales de l’épidémie, les interrogations sur lesmodalités de transmission que cette annonce vasusciter, la référence possible à des comportementssexuels ne respectant pas les normes sociales demoralité, en font une décision lourde d’implications.Ces révélations risquent de perturber les relationsavec le conjoint et avec l’entourage, ce qui pourraitaggraver les effets sociaux péjoratifs de l’atteinte parle VIH. Diverses études témoignent de la complexitédu partage de l’information qu’elles abordent selon lesapproches des droits humains, de la santé publique,ou sous l’angle des contradictions entre obligations desanté publique et respect du secret médical(Reproductive Health Matters, 2000). En Afriquesubsaharienne la variété des niveaux de partage del’information des personnes séropositives avec leurconjoint en fonction des contextes épidémiologiques,sanitaires et du vécu social de l’infection à VIH a étédocumentée (Smith et Rossetto, 2008) (Wong etRooyen, 2009). Ces études rapportent des pratiquesde « secret » autour de la séropositivité du fait desdifficultés du partage de l’information. Les personnesqui veulent « partager » leur statut choisissent lesdestinataires de cette information après évaluationdes risques en fonction de divers facteurs tels que laconfiance, la relation d’aide préexistante, la stabilité dulien conjugal, ou la capacité d’apporter un appui.Dans le contexte du Sénégal ou la prévalence du VIHdemeure peu élevée dans la population générale (1) , laséropositivité reste perçue de manière péjorative etassociée à des comportements sexuels réprouvés, cequi est à l’origine de stigmatisation et discriminationrégulièrement dénoncées par les PVVIH. En dépit d’unemeilleure accessibilité des ARV disponibles depuis plusde dix dans la majorité des sites urbains du Sénégal, del’amélioration de la qualité de vie des PVVIH, le statutpositif au VIH est rarement énoncé publiquement. Lamajorité des personnes vivant avec le VIH cachent leurstatut à leur entourage direct et n’acceptent pas d’entémoigner publiquement (<strong>Sow</strong>, 2002). Elles craignentdes conséquences péjoratives d’autant plus gravesqu’elles risquent de concerner l’entourage et la familleélargie notamment dans des contextes de mariagespolygamiques fréquents au Sénégal comme dans lamajeure partie des pays d’Afrique de l’Ouest.La polygamie définie comme « toute union légitimed’un homme avec plusieurs femmes » est reconnuepar la loi (2) ; le code sénégalais de la famille appliquédepuis 1972 autorise un homme à épouser légalementau maximum quatre femmes. Selon la dernièreEnquête Démographie Santé réalisée avec le Ministèrede la Santé en 2005, la polygamie représente40% des régimes de nuptialité, dans un contextesocioculturel fortement imprégné de valeurs religieusesmusulmanes qui encouragent ces pratiques ;« l'union conjugale se réduit au mariage et le célibatdéfinitif est marginal » (EDS, 2005). Ainsi, chez lesfemmes âgées de plus de 40 ans le célibat est quasiinexistant : il représente moins de un pour cent descas. Cette quasi universalité du mariage des femmesadultes est due en grande partie aux mariages polygamiques.Ainsi la proportion de femmes ayant au moinsune coépouse augmente régulièrement avec l’âgepassant de 20% pour les femmes de 20-24 ans à 61%pour celles de 45-49 ans (Ministère de la santé, 2005).Les femmes qui se marient au-delà de l’âge de 30 ansou qui se remarient après un divorce ou un veuvageintègrent majoritairement des ménages polygames enseconde, troisième ou quatrième position.Dans la société sénégalaise la polygamie est perçuecomme une forme de « réalisation sociale » valorisante,notamment par les hommes qui la considèrentcomme un de leurs « derniers privilèges » (Antoine,1995). Selon cet auteur, l’attitude des femmes est« ambivalente » face à la polygamie car elles la« justifient et la subissent à la fois » (Antoine, 1995).En effet cette forme d’union demeure une stratégiepour faire face à la pression sociale au mariage et à laprocréation, vécues comme un impératif de l’identitéféminine. Toutefois, elle est également source derivalités et de tensions quotidiennes exacerbées par lacohabitation entre coépouses. La résidence des épousesobéit aux règles d’un régime dominé par la virilocalitédans lequel les épouses rejoignent le domicilede leur mari ou de sa famille. Les épouses peuventrésider ensemble ou séparément. Le quotidien de la(1) Le Sénégal est un pays à basse prévalence, elle est estimée dans lapopulation générale à 0, 7% mais l’épidémie se concentre dans certainsgroupes dits à risque comme les travailleuses du sexe 30% et les hommesayant des relations sexuelles avec d’autres hommes 21,5%(2) L'article 133 du Code de la famille du Sénégal dispose que le mariagepeut être conclu : i) soit sous le régime de la polygamie (quatre épousesmaximum) ; ii) soit sous le régime de la limitation de la polygamie (deux outrois épouses).219

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