12.07.2015 Views

Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

CHAPITRE VI-5Le mariage, entre souhait et obligationird-00718213, version 1 - 16 Jul 20125.2. Le risque de dévoilement du statut VIHpar le conjointLes propos des personnes interrogées laissent entendreque l’information sur leur séropositivité, déduite parleur conjoint(e) de leur souhait d’utiliser un préservatif,prendrait inévitablement un caractère public, comme s’ilétait commun qu’une personne parle de sa sexualité oude sa relation de couple à des membres de son entourage.Ainsi Lamine, 45 ans, célibataire, dit :« Me marier, surtout, avec ma cousine, c’est révéler àma famille que rien ne va puisque je serai obligéd’avoir des rapports protégés avec ma femme qui peutne pas comprendre et s’en ouvrir à son entourage. »De même, les propos d’Omar, la trentaine, célibataire,laissent penser que l’utilisation de préservatif dans lecadre du mariage imposerait la connaissance collectivede son statut VIH :« Je ne veux pas me marier avec quelqu’un de la familleparce que je serai obligé de lui révéler mon statut. Commentlui expliquer d’avoir des relations sexuelles protégées? C’est le meilleur moyen pour que toute mafamille soit informée de mon statut de PvVIH ».La sexualité dans le mariage est-elle à ce point « sousle regard social », qui attendrait une grossesse ou uneplainte en cas d’impuissance ou d’infécondité ? Lerécit d’Amadou laisse penser que pour éviter cette« intrusion dans leur espace intime » socialementacceptée, il faut que deux partenaires motivés par leurdésir de vie commune, partagent le secret. Ce repli surle couple ne paraît possible dans le cas d’Amadou queparce que ces deux personnes ont atteint avant lemariage un degré de communication qui leur a permisd’échapper aux perceptions de leur entourage. Au vud’autres expériences, notamment celles où un prétendantest proposé par un tiers (de l’une ou l’autrefamille), cette situation paraît assez exceptionnelle.5.3. L’annonce de la séropositivité commeéquivalent d’une ruptureLa plupart des entretiens montrent que les personnesse sentent dans l’obligation d’annoncer leur séropositivitéà tout prétendant, mais qu’elles ne le font généralementpas par peur d’une part d’être rejetées plus oumoins violemment, d’autre part que leur statut soitdivulgué par une personne qui n’est pas a priori tenuede respecter leur intimité. De ce fait chaque foisqu’une personne interviewée a mentionné qu’elle avaitannoncé son statut à un prétendant dont elle neconnaissait pas le statut VIH ou de statut VIH-, c’étaitdans l’attente que le prétendant rompe la relation àses débuts.Ceci laisse penser que les perceptions de l’infectionavec le VIH sont encore très marquées par une forteauto-stigmatisation, comme s’il était impossible qu’unepersonne séronégative épouse consciemment unepersonne séropositive. Nombre de personnes (enparticulier les non associatifs) sont très peu informéessur les possibilités d’avoir un enfant indemne du VIH, àmoins d’avoir personnellement engagé une démarchepour préparer une procréation, ou d’être passées par unprogramme de PTME. Elles connaissent des personnesayant eu des enfants nés de parents infectés et indemnes,mais restent ignorantes des taux de succès etrestent, pour cela, très prudentes. L’impossibilité d’avoirdes enfants perçue par certaines PvVIH qui ne sont pasencore mariées pourrait être un élément clé de leurperception du mariage comme impossible.5.4. La perception d’une incompatibilitéentre infection à VIH et mariageCes dimensions de niveaux et natures différents– impossibilité perçue d’utiliser le préservatif dans lecadre du mariage ; risque de dévoilement du statut VIHpar le conjoint ; perception qu’une personne de statutnégatif ou inconnu ne saurait vouloir épouser une PvVIH– contribuent à la perception de la part de PvVIH d’uneincompatibilité entre infection à VIH et mariage. Cetteobservation devrait être analysée comme une expressionde l’auto-stigmatisation, c’est-à-dire de l’intégrationdu stigmate de la part des PvVIH, ou d’un manqued’information important qui traduit une certaine déconnexionsociale (non adhésion aux associations, faiblerecherche d’informations, etc.).6. LES STRATEGIES MISES ENOEUVRE PAR LES PVVIHFace à ces écueils, et notamment parce que le mariageavec une personne séronégative leur semble impossible,les personnes vivant avec le VIH mettent en oeuvretrois types de stratégies : l’abstinence et la solitude ; larecherche d’un conjoint séropositif ; des stratégiespersonnelles relatives à des situations singulières.6.1. L’abstinence et la solitudeLe refus du mariage est la stratégie d’abord retenuepar Amadou :248

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!