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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-1De l’expérience des PvVIH à des carrières de malades chroniquesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012les et des cérémonies est souvent une manière decacher leur maladie et de ne pas s’exposer auxregards et interrogations de l’entourage. D’autresmaladies peuvent être présentées comme cause dece retrait. Le diabète est ainsi pris parfois commealibi, surtout lorsque la personne maigrit. En effet,socialement, les perceptions du diabète incluent laperte de poids, la soumission à un régime qui nepermet pas toujours de manger dans les cérémonies,et justifient l’absence de participation à des activitéssociales.D’aucuns trouvent – tout de même – un réconfortlorsque la confiance en leur faveur reste de mise ausein de la famille où ils sont aidés pour trouver dutravail, gagner de l’argent et occuper des positions derespectabilité (rôles de parrain attribués à l’occasionde mariage, de baptêmes, etc.). Une découverte deleur statut VIH leur ferait perdre ce capital symbolique.Dès lors, ne pas révéler son statut a des conséquencespositives. Une découverte non intentionnelle– au travers d’une indiscrétion, d’une hospitalisation– les ferait facilement tomber dans une situationde discrédit, une mise à l’écart, une discriminationde la part de l’entourage. Ceci conduit nombre dePvVIH à entretenir une hantise de la maladie et del’hospitalisation.4.2. Le mariage ou le remariageLe mariage reste une institution importante de lasociété sénégalaise. Les travaux s’intéressant à cephénomène montrent la faible acceptation du célibatdurable. De la sorte, même les divorcés ont encoretendance à se remarier très vite pour garder unecertaine respectabilité sociale (Dial, 2008). La représentationdu mariage comme valeur sociétale seretrouve chez les PvVIH qui ne remettent pas enquestion cette norme, comme l’indique cet extrait :« Je veux [me marier] parce que j’ai même dépassél’âge où je devais me marier, tous mes petits frèressont mariés. Ma mère, à chaque fois me dit, qu’elleserait plus contente de moi si je me mariais. Elle memet la pression en disant que tous mes petits frèressont mariés et même mes neveux, comme celuiqu’on a rencontré tout à l’heure et qui se marie endébut du mois prochain. Même mes parents m’enparlent. J’ai aussi pensé que si j’ai une femme, jeveux aussi avoir un enfant » (Doudou, 46 ans).Cette injonction au mariage est comme un appel à laprocréation du fait de la centralité de l’enfant – en tantque symbole de la reproduction biologique et sociale- dans la société.5. DES CARRIERES DE MALADESCHRONIQUESL’analyse d’itinéraires individuels en termes de« carrière » permet de décrire trois profils.5.1. Une normalisation teintée d’incertitudeLa normalisation peut-être décrite comme le passagede la phase critique de départ (choc de la découvertedu statut VIH, signes cliniques et épreuve de la maladie,etc.) à un état d’amélioration biologique etsociale. Elle traduit la fin d’une situation de retrait dela vie sociale et le passage à une participation pluseffective. Plusieurs chercheurs ont décrit cette situationoù les PvVIH enregistrent une amélioration biologiquenotamment grâce à l’accès aux antirétrovirauxsuivie d’une disparition des effets sociaux de la maladie(Moatti, Spire 2003 ; Vinh-Kim, 2001 : 280).Mais la normalisation de la maladie est aussi ponctuéed’incertitudes. Celles-ci sont liées à l’obtentiondes médicaments et à la capacité d’accéder auxanalyses biologiques que nécessite la prise encharge de la maladie. La fin du programme d’étudede cohorte ANRS 1215 a ainsi marqué une périoderelativement critique, caractérisée par une incertitudepour les PvVIH à propos de l’après ANRS 1215. Cetextrait d’entretien atteste de l’inquiétude :« Concernant la fin de l’ANRS, je pense qu’on serafatigué s’il n’y a plus ce programme. Avant je participaispour 5000 F/mois mais c’était très difficile. Mais il fautque j’essaye de gagner de l’argent pour m’en sortir« baay mom su manatul yor kër gi fook dom jengu »,« sunu manatul fook ma jeem ». Mais j’avoue quej’aimerais bien continuer à profiter de ce programmejusqu’à la guérison finale » (Demba, 42 ans).Les personnes se posent beaucoup de questions surleur devenir. Certaines évoquent la possibilité d’unerupture dans la fourniture gratuite des médicaments,d’autres l’éventualité de production d’un vaccin quiguérirait définitivement la maladie. D’autres sujetsd’incertitude ont été évoqués par les PvVIH au coursdes entretiens, qui renvoient parfois à des demandesd’information : comment s’inscrire dans un mariageavec une personne non infectée sans la contaminer,comment avoir un enfant non contaminé, commentvoyager en étant sûr d’avoir son traitement dans le paysde destination, quel est le risque de mourir subitement,la pratique d’un sport est-elle possible, etc.Cette gestion de l’incertitude a conduit certaines PvVIHà changer de travail au début de leur carrière de malade,à l’image de Demba qui témoigne dans l’extrait suivant :113

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