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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IV-4Les attitudes en matière de procréationird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012Toutefois, les assistantes sociales semblent être plusà l’écoute de leur désir d’enfant et les soutiennent enfonction des contextes. Les critères de jugement pourle soutien à la procréation semblent guidés par laconformité à la perception d’un « bon patient » : êtremariée, ne pas avoir d’enfant ou pas suffisamment,partager l’information avec son conjoint, être observantà sa thérapie antirétrovirale, avoir un bon étatimmunitaire. Lorsqu’elles jugent qu’une femme doitêtre soutenue pour avoir un enfant, elles la réfèrentvers les sages-femmes chargées de la planificationfamiliale qui assurent des prestations d’aide à laprocréation dans le cadre des consultations habituellesde la santé de la reproduction, souvent sans mentionnerleur statut sérologique ou la nature du traitementantirétroviral administré. Dans ce cadre, un bilanpeut être effectué, divers conseils délivrés et des prescriptionssont proposées. Lorsque ces conditions nesont pas réunies, les assistantes sociales conseillentaux femmes de ne plus avoir d’enfant et les réfèrentaux sages-femmes pour la contraception. Les médecinssont plus restrictifs en limitant les cas de soutien àla procréation, et parfois en l’interdisant spécifiquementlorsqu’ils estiment que la femme est « en danger ».En raison de ces réticences, ils sont souvent misdevant « le fait accompli » des grossesses. Ils sontobligés d’assurer le suivi médical standardisé dans lecadre de la PTME.3.6. Vers une « normalisation » des pratiquesprocréatives3.6.1. Un désir d’enfant de plus en plus importantDe nombreuses femmes interrogées ont témoignéqu’elles auraient souhaité avoir davantage d’enfants etcertaines d’entre elles essayaient d’en avoir encore, endépit de leur âge avancé. Elles expriment la fierté d’avoiraccompli avec succès une épreuve déterminante pourleur identité sociale. Cette maternité est effectuée sousle sceau d’une double bravoure : celle des souffrancesde la grossesse et du vécu du sida. Ces perceptionssont en phase avec les valeurs sociales de valorisationde toute souffrance féminine liée à la procréation.Ces dernières années de plus en plus d’études témoignentd’un retour du désir d’enfant et d’activitéssexuelles plus fréquentes chez les personnes infectéespar le VIH. Les différentes études sur la procréationdes personnes séropositives analysent lesperceptions et les pratiques observées sous l’angle durisque. En France, <strong>Desclaux</strong> et Cadart (12) soulignentqu’en dépit de la faiblesse du risque biologique detransmission du VIH grâce à l’accès des thérapiesantirétrovirales, les choix procréatifs demeurentinfluencés par un risque infectieux considéré comme« résiduel » et un risque « iatrogène » liés à un sentimentd’inquiétude polymorphe. Les femmes séropositivesélaborent différentes stratégies pour être mère.Elles peuvent se baser sur des avis médicaux ou lescontourner. Dans tous les cas, les pratiques procréativesne sont jamais « banalisées ». Le projet deprocréation dépend d’abord du risque de transmissionhorizontale entre conjoint sérodifférents. En Franceencore, l’enquête nationale sur le quotidien despersonnes infectées montre que le désir d’enfantpersiste chez les personnes traitées par ARV : 32%des femmes et 20% des hommes traités par ARVdésirent avoir un enfant (13). Parmi les femmes originairesd’Afrique sub-saharienne, l’incidence des grossessesaugmente après le diagnostic du VIH chez lesfemmes jeunes et ayant moins de deux enfants (14).3.6.2. Des appréhensions sur la procréation plusen plus réduitesNos enquêtes révèlent qu’au Sénégal, les craintesvis-à-vis du risque de transmission du VIH lors desgrossesses se sont amenuisées progressivementsuite à la naissance des premiers « bébés ARV » séronégatifs,au décours de grossesses planifiées par desfemmes leaders d’associations de PVVIH. La bonnesanté de ces enfants a infirmé les craintes sur latoxicité des ARV. Toutefois, les femmes enquêtéessont animées par des sentiments ambivalents : ellescroient à l’efficacité des ARV contre la transmission duVIH, mais sans être totalement rassurées quant à leurcaractère inoffensif pour l’enfant. Certaines d’entreelles craignent d’être stigmatisées lors de leur accouchement,ou que la venue d’un autre enfantn’accroisse leurs charges financières et sociales dansun contexte ou la plupart d’entre elles vivent dans desconditions précaires.3.6.3. Dynamique des pratiques procréatives :de l’exception à la normalisationL’analyse de l’évolution des pratiques procréativesdes femmes séropositives révèle plusieurs étapes.Les premières années qui ont suivi l’accès aux antirétrovirauxont été marquées par la rareté des maternités,les grossesses survenues étaient généralementnon planifiées voire « accidentelles ». Après deux outrois années de thérapie antirétrovirale à succès, lespremières expériences de procréation planifiées ontété menées par des femmes leaders d’association dePvVIH qui ont donné naissance aux enfants surnommésles « bébés ARV ». Progressivement, les expé-239

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