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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-1De l’expérience des PvVIH à des carrières de malades chroniquesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012l’expérience subjective des PvVIH et leur expériencesociale. Ensuite nous tenterons de décrire des« carrières de malades ». Pour aborder cette expérience,nous avons exploré la manière dont lesPvVIH engagées dans la cohorte ANRS 1215remplissent leurs engagements sociaux, professionnelset thérapeutiques. D’un point de vue méthodologique,cette analyse repose sur des entretiensmenés auprès de 25 patients selon des modalitésdécrites précédemment (1) .2. LES RELATIONS AVECLE SYSTEME DE SOINSLes personnes interrogées ont découvert leur atteintepar le VIH, et sont initialement entrées en relation avecles structures de santé, de façons diverses. Deux modalitésprincipales peuvent être déclinées : une entrée enrelation « fortuite », quasi accidentelle (dépistage àl’occasion d’un don de sang, dépistage volontaire, etc.) ;une autre découlant d’une maladie où d’une hospitalisation.Le statut sérologique a pu également être découvertdans une autre situation (grossesse, maladie du (dela) conjoint(e), maladie d’un enfant, etc.). Ce contactavec le système de soins a conduit à « l’inclusion » dansla cohorte ANRS 1215 qui constituait une opportunitéexceptionnelle à un moment où elle était le seul moyend’accéder aux antirétroviraux.Les personnes interrogées dix ans plus tard rapportentdiversement ce premier contact avec le diagnostic, puisla cohorte et les traitements. Certaines étaient tellementdésespérées que l’accès aux médicaments leur estapparu comme une aubaine, et la difficulté de prise desARV comme un moindre mal par rapport au traumatismede la maladie et de ses effets attendus. Pourd’autres, les prises quotidiennes de médicaments ont eudes effets désagréables (vomissements, diarrhées,appréhension d’être découvert comme atteint par leVIH, etc.). Certaines, notamment celles qui étaientatteintes de symptômes qui n’ont pas cédé immédiatement,n’ont pas cru à l’efficacité des médicaments toutde suite. Plusieurs personnes rencontrées rapportentavoir, avec le temps, plus de facilités à respecter lesprises et à s’adapter à la prise régulière de médicaments.Le nombre de comprimés a été réduit, ce qui aencore facilité l’adaptation des personnes à la maladiechronique et à ses implications.(1) Cf chapitre 10.(2) Plusieurs facteurs peuvent être avancés pour expliquer un tel désir d’enfant :la pression de la famille, l’importance de l’enfant au sein du couple, la polygamie(volonté d’avoir un enfant comme ses coépouses, capacité de prétendreà une grande part d’héritage), etc.2.1. L’évitement des conflits avec lessoignants dans une relation « verticale »La relation de soins que les PvVIH ont engagée avecles professionnels de santé est sous-tendue parplusieurs attitudes perceptibles dans les propos despersonnes interviewées : gratitude, incompréhension,ou remise en cause tacite. Cette relation estgénéralement policée et aucun conflit ouvert avec lessoignants n’a été rapporté. Avec le temps, lesrelations entre soignant et soigné évoluent et tendentà s’installer dans une certaine « platitude routinière ».Si les effets biocliniques providentiels des antirétrovirauxont généré un sentiment de gratitude, on peutpenser que c’est au prix d’une asymétrie de larelation qui n’est pas négociée : l’observance et lerespect des indications médicales sont la seuleréponse possible face un traitement « providentiel ».Cette asymétrie, en particulier au plan des savoirs,tient aussi à l’incompréhension par les patients deleur situation de participation à une cohorte. Leconsentement à entrer dans l’étude a été partagé partoutes les personnes que nous avons interrogées. Encas de revendication possible, lorsque les effetssecondaires ont suscité une réserve de la part dupatient, lorsque des interrogations sur les effetsnéfastes à long terme des antirétroviraux ontémergé, ces réactions n’ont pas donné lieu à desconfrontations avec les soignants. C’est aussi enévitant la confrontation que des femmes qui voulaientavoir des enfants se sont passées de l’accord desprofessionnels de santé. Les personnes semblentvouloir préserver la relation de soins, malgré soncaractère inégal ou « vertical » ; cacher des informationsau médecin y contribue.La volonté de ne pas mettre en danger une relationde soins nécessaire au maintien de leur état de santéa aussi conduit les personnes interrogées à taire auxmédecins leurs opinions défavorables à propos desmédicaments. Quelques-unes d’entre elles disentopérer leurs propres choix des médicaments à prendreou à ne pas prendre. Ainsi des femmes rencontréesrapportent que pour avoir un enfant il fautcesser de prendre certains traitements antirétroviraux(Efavirenz par exemple) qui les empêchentd’être enceintes. Quelquefois, ce désir d’enfant estsuffisamment important (2) pour motiver de longuespériodes d’arrêt du traitement, susceptibles derendre les relations tumultueuses entre les soignantset les PvVIH auxquelles ils reprochent de n’être pascompliantes. Ces patients considérés comme peuobservants sont ceux qui posent le plus de difficultés,conduisant les soignants à les « sermonner » enmettant l’accent sur les risques qu’ils encourent,106

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