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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-2Lipodystrophies : perceptions et souffrance des personnes atteintes, réponses collectivesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012grossit. Le ventre est gonflé, c’est comme si je suisenceinte alors que ce n’est pas le cas. J’ai aussi ici (ellemontre la partie basse de sa nuque avec une « bosse debison »), c’est comme si c’est une boule de graisse auniveau du dos ». Elle a grossi au cours des trois premièresannées de traitement, où elle a pris 25 kg, qui sesont ajoutés à un surpoids préexistant au traitement: ellepesait déjà 75 kg lorsque son infection à VIH a étédiagnostiquée en 1999. « Avant, j’étais une personnequand même qui a toujours eu du poids, mais, avec letraitement, ça s’est aggravé ».« Quand j’ai eu du mal à me marier, on m’a donné unsite internet pour les personnes vivant avec le VIH,pour se rencontrer, des choses comme ça. Je mesuis connectée, j’ai rencontré un Ivoirien. Il a été àDakar pendant quelques années pour faire unmaster ici, mais maintenant, il est au Canada. Ondiscutait, on discutait, un jour, il m’a demandé monpoids, ma taille. Mais, dès que je lui ai donné, c’estla catastrophe. Mais je ne sais pas mentir et je nevais pas mentir. Il y a des gens qui me rejettent justeà cause du poids. C’est pourquoi j’ai dit que ça m’apourri la vie. » AwaLes propos d’Awa laissent penser que les troublesapparus pendant la période du traitement additionnentdes lipodystrophies à un surpoids qui préexistaità l’infection à VIH et qui s’est aggravé sans qu’il y aitnécessairement de rapport avec l’infection à VIH.Son incrimination du traitement manifeste peut-êtrele fait qu’il concentre et focalise son anxiété –dans lecadre de l’entretien ou plus généralement.Sans spéculer sur le retentissement psychologiquede l’infection à VIH et celui de sa situation sociale surun éventuel état dépressif que des signes tels que latristesse et la fatigue permanente –et matinaleévoquent,on peut retrouver plusieurs éléments significatifsdans les interprétations multiples dont Awa faitétat. Pour elle, qui a dépassé l’âge de se marier, lapréoccupation esthétique manifestée par desconjoints potentiels est au premier plan. Le surpoidsprotège de la suspicion de l’infection à VIH qui faitsouffrir Aïcha et Lamine, mais il ne protège pasd’appréciations induites par les normes esthétiques,notamment quand la question de l’infection à VIHn’est plus au premier plan –comme dans cetterelation avec une personne elle-même séropositive.D’autres personnes mentionnent la préoccupation dusurpoids, sur un mode moins dramatique mais quireflête l’intervalle borné par les normes sociales, quiimposent de ne pas être trop maigre pour éviterd’être stigmatisé ni trop gros car cela paraît « induit »ou « artificiel » et peut également appeler la suspicionde la part de personnes averties :« Mes petites sœurs ont toutes grossi. Même si je nesouhaiterais pas grossir comme elles, c’est trop. Il ya de ces patients aussi qui grossissent de manièreconsidérable, moi je ne souhaiterais pas cela. Si tules vois niuguiné bam, léxi né bam (ils sont gros, lesjoues gonflées…) à première vue, tu sauras que cen’est pas une grosseur normale. Qu’elle est occasionnée.Je préfère une grosseur naturelle. » BinetaUne gynécomastie masculineOmar, un trouble spécifiqueOmar a 43 ans, il est wolof et vit en périphérie deDakar. Il est marié (monogame), a fait des étudessupérieures et il est travailleur social dans le domainede la santé. Au moment de l’enquête, il est soustraitement depuis 12 ans. Il a une gynécomastievisible même habillé, si on y prête attention.Il estime supporter mal le traitement ARV, et considèrequ’il provoque chez lui des maux de ventre,des troubles intestinaux, des nausées et deslipodystrophies : une gynécomastie etl’accumulation de graisse sur le ventre. Ces effetsseraient apparus en 2002, environ quatre ans aprèsla mise sous traitement, et le traitement a étéchangé ensuite. Puis il a souffert de neuropathies,qui l’empêchent de faire du sport à cause desdouleurs dans les pieds : le sport était pour lui lemoyen de lutter contre la prise de poids.C’est surtout la gynécomastie qui le gène, et Omarcentre l’entretien sur ce point. Il n’a pas fait l’objet deremarques désobligeantes mais pense que despersonnes ont pu le remarquer. Cependant il n’a paschangé sa manière de s’habiller. II explique qu’il estsurtout géné pour la sexualité, et l’explique trèsclairement : « Si ma femme me touche au niveau desseins, je me décourage. Surtout lorsque j’ai envied’avoir des rapports avec elle, il suffit qu’elle m’ytouche pour que j’en aie plus envie... ».Dans ses explications il évoque aussi le fait que soncouple n’ait pas encore d’enfant, ce qu’il considèrecomme une conséquence possible de l’infection àVIH ou du traitement. Lorsque la conversation sepoursuit, il insiste de nouveau sur la gynécomastie,qui lui semble être l’effet secondaire le plus génant :« C’est vrai que tout médicament a des effets secondaires,mais pas trop sévères quand même. Lesgynécomasties, c’est vraiment le top, surtout pour unhomme, si c’était une femme, ce n’est pas grave ».128

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