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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IV-3Le partage de l’information sur son statut sérologique dans un contexte de polygamieird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012polygamie des femmes a été décrit à travers des situationscomplexes oscillant entre « guerre et résignation »(Fainzang et Journet, 1988). Les rivalités entrecoépouses y sont particulièrement exacerbées àpropos de la sexualité et de la reproduction en raisondu renforcement de la position des femmes dansl’espace matrimonial par le nombre d’enfants. Lesrivalités peuvent donner lieu à des accusations denuisance par des pratiques occultes telles que le« maraboutage » ou la sorcellerie, censées renforcerla position de l’une des épouses au détriment del’autre. Dans ce contexte conflictuel, une culture desecret et de préservation de la confidentialité autourde toute information relevant de l’intime est observée.Comme le notent Fainzang et Journet (1988) : « il estd’usage et de rigueur de ne point partager, lorsqu’onest femme de polygame, ses secrets avec sacoépouse ». Toutefois, des formes d’accommodation,d’adaptation à des situations conjugales polygamiquesplus pacifiques sont également décrites(Antoine, 1995).Dans la littérature en français le terme « annonce » estutilisé pour caractériser les pratiques de transmissionde l’information à propos du statut VIH de la part d’unprofessionnel de santé à la personne concernée, alorsque le terme « partage » désigne l’annonce par cettedernière à des tiers. Selon le Dictionnaire Larousse,l’annonce signifie « faire connaître un événement, unenouvelle », la rendre publique alors que dans la littératureanglo-saxonne, le terme équivalent « disclosure »signifie plutôt dévoiler, révéler (thefreedictionary.com).L’ONUSIDA et l’OMS ont utilisé le terme de « divulgation» pour qualifier l’acte d’informer un individu ou uneorganisation de la séropositivité d’une personne, quecette information soit communiquée, d’une façon oud’une autre, par la personne elle-même ou par untiers, avec ou sans consentement (ONUSIDA, 2001).Dans le langage courant comme dans celui desprofessionnels de santé en Afrique de l’ouest, le terme« partage » désigne un acte volontaire hors ducontexte des relations de soins.La plupart des études abordent la question de l’annoncecomme celle d’une volonté de l’individu concerné. Orl’anthropologie nous enseigne qu’un individu ne peuts’abstraire de rapports sociaux et d’une culture quiattribue une valeur spécifique à la communication surcertains thèmes considérés comme relevant plus oumoins du privé envers d’autres membres de l’unitésociale ou de l’environnement familial. Dans le contextede polygamie, dans le même temps, et souvent dans lemême espace, l’unité familiale entrecroise des modes degestion de la sexualité, de la conjugalité et de la santé,qui ne se superposent pas parfaitement. Leurs lienssont complexes notamment du fait de la multiplicitédes acteurs qui peuvent être concernés : le mari, lesépouses, leurs ascendants et l’entourage. L’annonced’une séropositivité VIH à l’un ou l’autre membre decet ensemble y est donc le fruit de logiques complexesdont les effets peuvent être multiples et divergents.L’objet de notre article est de comprendre les motivations,les avantages et les contraintes liées au partagede l’information à propos du statut VIH, en explorantles particularités relatives aux situations de polygamie.A partir d’un descriptif des pratiques nous analyseronsles tendances et spécificités liées à cette situation,dans le contexte sénégalais.2. MÉTHODOLOGIECet article se base sur les données d’une recherchequalitative sur l’expérience du traitement antirétroviral etses effets sociaux menée auprès des participants de lacohorte ANRS 1215. Parmi eux, 39 informateurs clésont été sélectionnés sur la base des critères suivants :être inclus dans la cohorte ou avoir un conjoint incluset/ou sous ARV, accepter de parler de son expérience,être disponible pour un suivi régulier, avoir une bonnecapacité de verbalisation des expériences vécues etentretenir une relation de confiance avec la chercheure.L’enquête qualitative compréhensive a analysél’évolution des perceptions et des pratiques liées auxARV. De nombreux thèmes ont été explorés, parmilesquels le partage de l’information et l’impact conjugal,familial et social de la séropositivité VIH ainsi que l’accèsau traitement ARV.La méthode a combiné des entretiens individuels semi-directifsrépétés, des entretiens de groupe et des observationsparticipantes dans les lieux de soin et les familles.Toutes les investigations ont été réalisées par l’auteure decet article, ce qui a permis de mettre en place une relationde confiance facilitant l'approfondissement de thèmesintimes. Une première série d’une centaine d’entretiens aeu lieu entre juin 1998 et juin 2005, avec 25 patientsparmi lesquels 15 femmes (chaque patient a eu au moinsun entretien par trimestre). 9 patients sont décédés aucours de cette période. Une nouvelle série d’entretiens aeu lieu entre août 2006 et février 2008 auprès des 16patients toujours en vie et 9 nouveaux patients soustraitement depuis au moins huit ans ont été interrogés.D’autres données sont issues d’entretiens de groupe etd’entretiens individuels menés dans le cadre d’une thèsed’anthropologie autour des aspects liés à la procréation,réalisés entre 2008 et 2010 avec 25 femmes séropositivesayant eu un enfant et ayant bénéficié du programmePTME, ainsi que 12 prestataires de soins impliqués dansleur prise en charge.220

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