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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IV-6L’expérience du veuvage dans le contexte du VIHird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012sur la recherche d’un conjoint vivant avec le VIH créedonc aussi une situation d’impasse par déséquilibredémographique entre la demande et la disponibilitéde conjoints potentiels.Ainsi, les cinq préoccupations majeures que lesveuves interrogées éprouvent (être identifiée commeatteinte par le VIH ; ne pouvoir annoncer son statutVIH pour réduire la pression au remariage ; nepouvoir annoncer son statut à un prétendant ; laperception d’être contagieuse ; et n’accepter qu’unconjoint vivant avec le VIH) créent une par une dessituations « d’impasse ». De nombreuses femmescumulent ces préoccupations et vivent dans unesituation qu’elles ne peuvent pas faire évoluer. Laplupart de ces difficultés et préoccupations sont desconséquences de la stigmatisation, vécue ou plussouvent anticipée et crainte.4. CONCLUSIONCette enquête avait pour objectif de recueillirl’expérience des femmes veuves depuis plusieursannées, afin de décrire l’impact de l’infection à VIHsur leur situation sociale, et notamment de préciser sileur veuvage prolongé devait être imputé à desdifficultés à se remarier ou découlait d’un choix individuel.La plupart des études portant sur les veuves enAfrique s’étaient intéressées essentiellement à leurrôle de soignantes domestiques ; d’autre part cesétudes ont été réalisées dans des contextes où uneépidémie de VIH généralisée avait bouleversé lastructure sociale, imposant à ces veuves la chargede nombreux enfants (9). Cette étude aborde doncun aspect encore peu décrit des effets sociaux del’épidémie de VIH en Afrique de l’Ouest, dans uncontexte où le taux de prévalence est resté faibledans la population générale. D’autre part elle contribueà décrire la manière dont les femmes sonttouchées de manière particulière par l’épidémie deVIH comparativement aux hommes.L’enquête révèle une situation difficile, et source desouffrance pour les veuves. Les femmes qui ontrépondu à l’enquête ont en moyenne 47 ans, elles sedéclarent globalement en bonne santé grâce autraitement. Elles ont en moyenne un peu plus dequatre enfants dont la majorité sont à leur charge, etdes revenus qui dans tous les cas sont inférieurs à50000 FCFA par mois et ne sont réguliers que pourune femme sur dix. La plupart d’entre elles ont dûquitter leur logement après le décès de leur mari, etvivent avec leurs enfants, ou avec la famille élargie.La majorité d’entre elles ont besoin d’être aidéesfinancièrement par un parent pour compléter leurs revenusafin de faire face à leurs charges, et la scolarisationde leurs enfants est permise essentiellement par lesaides des associations d’appui aux PvVIH. Cette situationsocioéconomique très précaire tient en premier lieuau fait que très peu de femmes ont pu bénéficier deressources ou de biens hérités du défunt, incluant lelogement familial. De ce fait, elles sont dépendantesdes personnes qui ont accès à des ressources(essentiellement des hommes) et qui détiennent unecertaine autorité dans la famille. La situation économiquegénérale et les possibilités d’emplois limitéesempêchent les enfants devenus adultes d’assurer desressources régulières à leurs mères. Les difficultéséconomiques des femmes veuves qui peuvent aboutirà des situations individuelles désespérées sont décritesdans toutes les sociétés (10) ; mais ailleurs, les cadreslégislatifs et les systèmes de protection sociale lesprotègent avec plus ou moins d’efficacité, ce qui n’estpas le cas au Sénégal.Une femme sénégalaise convenable est une femmemariée : ce lieu commun, inscrit dans la définition destermes wolof qui désignent les veuves, est sous-jacentau désir de la majorité des veuves de se remarier, etaux pressions exercées par l’entourage auprès de laquasi-totalité d’entre elles. Etre veuve et le rester estdépréciatif : cet état est considéré comme une dévianceouvrant la voie à une suspicion de vie dissolue (etindépendante) et à des attitudes irrespectueuses de lapart de l’entourage masculin. Aussi la plupart desfemmes veuves rapportent-elles leurs stratégiesd’évitement des lieux de rassemblement collectif qui lesexposeraient à des questions, pas toujours malveillantesmais qui leur rappellent leur statut. Certainesfemmes expliquent qu’il vaut mieux ne pas montrer quel’on parvient à survivre seule, sous peine d’être accuséede tirer des revenus de la prostitution. Le veuvageimplique systématiquement une dégradation du statutsocial ; les qualités que suppose le fait d’élever seuleses enfants ne semblent pas reconnues socialement.De plus la dépendance économique rend les femmesvulnérables aux exigences d’un remariage expriméespar ceux qui les aident, et à des pressions d’autant plusappuyées que les aidants souhaiteraient être dégagésde cette charge financière qui parfois les expose euxmêmesau soupçon. Sur ces aspects également, cecin’a rien d’exceptionnel, mais représente une formeparticulière : le statut des femmes veuves et lescontraintes qui pèsent sur elles ont été décrites commeune inéquité majeure en défaveur des femmes dans demultiples sociétés et religions (11).Les belles-familles ont des attitudes variées, probablementliées à ce qu’elles ont pu savoir à propos du statut277

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