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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE VI-5Le mariage, entre souhait et obligationird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012Les motivations affichées sont celles de l’amourromantique comme dans ces deux cas, et d’autres, àl’interface entre inclination personnelle et souhait demener une vie « normale » en souscrivant à l'obligationsociale. Ainsi, Lamine avance :« Ce qui m’a le plus incité à sortir avec cette fille c’estla volonté d’avoir un enfant avec cette femme séropositive.(…) Pourtant, il est important pour moi d’avoirun enfant. J’en ai besoin ne serait-ce que pour rassurermon entourage ».Ce propos illustre la dimension normative du mariageet de la procréation, qui n’est pas spécifique de lasituation des PvVIH. Un individu sans enfant risque devoir son nom disparaître, sa vie perdre son sens.Il montre aussi que le mariage et la procréationpeuvent prendre pour les PvVIH une significationsupplémentaire d’effacement du stigmate : sansaffirmer cette interprétation qui nécessiterait desdonnées complémentaires pour éviter la surinterprétation,la dernière phrase laisse penser que le mariagepeut être motivé par une stratégie d’évitement de lastigmatisation – se marier et avoir des enfants pourêtre considéré comme non concerné par le VIH.En conclusion, bien que la distinction entre volontépersonnelle et obligation sociale soit artificielle lorsqueles deux vont dans le même sens, ces élémentsmettent en lumière la complexité des motivations. Deplus, les situations vécues ne sont pas le seul refletdes désirs : certaines personnes souhaitent se mariera priori, mais refusent les propositions concrètes quileur sont faites eu égard à des circonstances ou auxpersonnes concernées comme prétendants. Cessituations sont sources de difficultés.5. LES DIFFICULTESRENCONTREES PAR LES PVVIHLe parcours matrimonial d’Amadou est sous-tendu,dans sa première phase, par sa perception d’uneincompatibilité entre le fait d’être infecté par le VIH etle mariage. La plupart des entretiens avec des PvVIHattestent du même a priori, dont il est nécessaired’analyser les logiques sous-jacentes.5.1. L’impossibilité perçue d’utiliser lepréservatifCette perception est pour certains indissociable del’idée qu’on ne peut pas appliquer la prévention de latransmission sexuelle dans le cadre du mariage. Despersonnes interrogées disent qu’il leur serait impossibled’utiliser un préservatif, car ce serait équivalent à annoncerleur statut VIH +. Amadou a d’abord la mêmeattitude et dit qu’il se trouve « obligé » d’annoncer sonstatut pour décourager sa « promise », comme si larelation de cause à effet allait de soi.Lamine dit très clairement : « Je ne peux pas memarier », évoquant ensuite le VIH.Cette perception d’une incompatibilité entre la vieavec le VIH et l’union matrimoniale n’est pas réservéeaux hommes : c’est aussi ce qu’exprime Oumou, 42ans, veuve :« Les hommes qui viennent me voir, je les découragegentiment et ma famille a fini par se dire que je veuxrester dans la maison de mon beau-frère. Lui, il sait monstatut et comprend pourquoi je ne veux pas me marier »Ces propos, tenus en 2011, alors que la Déclarationsuisse et l’usage des antirétroviraux permettent dereconsidérer le risque de transmission sexuelle duVIH, appellent plusieurs commentaires. En premierlieu ils montrent que l’information sur l’absence detransmission du VIH dans les couples sérodifférentsen cas de traitement antirétroviral efficace n’est pasintégrée par ces personnes. Les personnes quenous avons interrogées ne la connaissent pas ou, aucas échéant, restent prudentes.D’autre part, jusqu’à présent, les études qui ontsouligné la difficulté à utiliser les préservatifs dans lecadre de relations non ponctuelles entre partenairesmettaient surtout en avant les difficultés desfemmes.Les données recueillies montrent que les hommesrencontrent aussi ces difficultés pour proposer lepréservatif, perçu comme incompatible avec unerelation matrimoniale.Les entretiens ne permettent pas de préciserlaquelle des fonctions du préservatif – préventivecontre les MST ou contraceptive – paraît le plus apriori inacceptable(s) dans le cadre du mariage.Autrement dit, est-ce le fait de se soucier de la transmissiond’une MST (dont serait atteint soi l’un oul’autre) ou de refuser une procréation d’emblée –c’est-à-dire les fonctions explicites du préservatif –qui le rendent incompatible avec le mariage, ou biensa signification comme indice de l’infection à VIH ?Ces interprétations pourraient se cumuler.247

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