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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-4 Les plaintes et leur interprétation : effets des antirétroviraux, du VIH ou du vieillissement ?ird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012ceux d’autres origines (Schumaker et Bond 2008).Par ailleurs l’adaptation des personnes aux changementsdes caractéristiques des médicaments qui leursont prescrits ajoute un degré d’information à ce quedécrit la littérature qui, partant du constat de représentationsspécifiques attribuées aux formes oucouleurs des médicaments, recommandent de prendreen compte ces codes locaux sous-jacents auxattentes des patients (Schumaker et Bond 2008) ;notre enquête montre que lorsque les changementssont accompagnés d’explications par l’équipesoignante et de tactiques facilitant la mémorisationdes distinctions entre médicaments, la transition peutêtre gérée sans difficulté majeure. L’enquête n’a pasabordé les pratiques de prise de traitements « decomplément » tels que les immunostimulants,rapportées dans d’autres contextes (Schumaker etBond 2008) ; ceci ne permet pas de dire que cespratiques n’existent pas, mais les révéler auraitprobablement nécessité une autre méthodologie etdes enquêtes plus « à distance » des services desoins. Le souhait qu’expriment les personnes interrogéesà propos des traitements antirétroviraux est lemême chez tous : qu’un traitement ou un vaccin quiguérisse l’infection et fasse disparaître le virus unefois pour toutes puisse venir remplacer les antirétrovirauxactuels.Les quelques propos qui évoquent l’observance,recueillis au décours d’expressions sur d’autressujets comme le fonctionnement du corps ou lerecours à d’autres formes de thérapies, laissententendre que les personnes qui ont interrompu letraitement à un moment ou à un autre l’ont repris parelles-mêmes, au vu des conséquences sur leursrésultats biologiques. Les notions de charge virale oude CD4 sont rapportées de manière plus ou moinsexacte, mais toutes les personnes interrogées argumententdans leurs propres termes l’intérêt et lanécessité de prendre le traitement régulièrement. Lapopulation des « survivants à 10 ans de traitement »que nous avons pu interroger a plusieurs caractéristiquesdéjà décrites comme favorables à l’adhésion autraitement : la majorité de ces personnes ont commencéles antirétroviraux alors qu’elles étaient symptomatiqueset ont pu en éprouver personnellementles effets ; elles ont été témoins d’interruptions detraitements suivies de décès ; les traitements sontrelativement bien supportés ; elles se sentent ensécurité grâce à un suivi médical de qualité. D’autrepart les non-observants ont peut-être disparu de lafile active. Le modèle théorique qui stipule que lamise à disposition des ARV crée les conditions d’uneintervention autoritaire des soignants pour imposerune bonne observance, décrit dans d’autres contextes est-africains (Mattes 2011), ne semble pas être leplus approprié. Nos données appellent plutôt uneinterprétation mettant en relief l’auto-contrôle par lespatients et l’intégration, voire l’incorporation d’unediscipline concernant les rythmes de vie, les actes etles discours autour du médicament, qui pourrait êtreassociée aux notions foucaldiennes de biopouvoir oude médicalisation. Cet auto-contrôle peut être résulterde la communication des soignants pendantplusieurs années sur les règles de prise des traitements; dans ce cas il reflête une avancée dans lamédicalisation de la vie des personnes vVIH.Les propos des patients montrent que le traitementantirétroviral est au premier plan de leurs représentationsde la gestion de la maladie ; néanmoins lessoignants sont aussi très souvent mentionnés demanière positive, notamment pour leur écoute et leurcapacité à faire face à des difficultés liées au traitement.En « toile de fond » des perceptions des effetsindésirables et des plaintes des patients, les traitementsantirétroviraux sont présentés à la fois commesalvateurs et comme insuffisants (pour n’être pas« curatifs »). Souvent les propos associent le traitementau fait qu’il a fait l’objet d’une prescription, d’uneadaptation, d’un changement de posologie, deconseils par un médecin avec lequel la relation estmarquée par la confiance. Cette dimension relationnelledu traitement est sans doute favorisée par lecontexte d’un suivi de cohorte attentif, dans un centrede recherche et dans un centre de traitement ambulatoirequi peuvent être considérés comme des sitesoù la qualité des soins est exceptionnelle dans lecontexte sénégalais, au vu de critères objectifs etd’autres critères appréciés par les patients, queMathilde Couderc a explicités dans son étude duCRCF (Couderc 2011). Les traitements suivis dans lecadre d’un projet ont davantage de chances d’êtreappréciés et « observés » que ceux délivrés dans unsite de soins au fonctionnement sub-optimal. Sur cethème nos observations ne peuvent être d’embléegénéralisées à l’ensemble des patients sénégalaissous ARV.Les propos laissent aussi penser que les changementsde traitements qu’ont vécus les patients, voireles épreuves –périodes d’inobservance, phasesdifficiles- ont pu renforcer cette confiance, alors queles modèles théoriques existants évoquent plutôt lastabilité et le maintien à l’identique du régime thérapeutiquecomme un élément favorable pour le maintiendu rapport des patients avec les soignants et lestraitements.168

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