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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IV-2Le partage du statut sérologique avec l’entourageird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012statut sérologique de leur conjoint, si elles ont desenfants, et dans une famille nucléaire. Ceci conduit àpenser que le partage doit être interprété dans lecontexte d’une relation, plutôt que relativement à unepersonne.Au total, ces données quantitatives apportent deséléments qui interrogent d’autant plus qu’ils sont difficilesà interpréter. Notre méthode et nos catégoriesconceptuelles sont-elles suffisamment performantespour nous permettre de comprendre les phénomènes,ou les faits sont-ils trop disparates et individualisés pourse laisser appréhender au travers de régularités ?Une des opportunités de cette étude est qu’ellepermet d’aborder, dans sa composante qualitative,des « itinéraires de partage », c’est-à-dire la manièredont plusieurs personnes ont été successivementinformées par un patient, ainsi que les motifs de cesitinéraires.5.1. Un itinéraire de partageC’était vraiment dur, j’ai beaucoup pleuré. C’était àl’hôpital, j’avais rendez-vous avec le médecin et c’estmon beau-frère qui m’avait déposée avec sa voiture.En rentrant, alors que je ne me sentais pas bien,j’avais des vertiges, j’ai commencé à lui parler tout enpleurant. […] J’ai beaucoup pleuré et lui-même a finipar pleurer. Ensuite il m’a dit, « Calme-toi, ne pleurepas, je vais te soutenir, je ne t’abandonnerai jamais. Jepensais même te remarier après le décès de mon frèremais j’avais des doutes à propos de sa maladie ».Concernant mon petit frère, je le lui ai dit lorsqu’on avoulu me donner en mariage. Mes frères cousins,oncles, tantes, etc. s’étaient décidés à me remarier. Jesavais que je risquais de ne pas y échapper. C’estalors que j’ai appelé mon frère pour le lui dire. Depuislors il m’a soutenue dans ma décision et ne m’a jamaisfait de mal. Quant à ma fille, j’ai laissé le médecin le luidire. […] Ensuite ma fille m’a dit « n’aie aucune inquiétudepar rapport à cela. Je vais te soutenir et te défendrecontre les parents de mon père (en l’occurrence lefrère de son père) ».Cette femme de 40 ans, Aicha, n’avait pas été informéepar son mari de son statut sérologique quandcelui-ci est décédé en 2000. Elle a alors informé sonbeau-frère qui souhaitait la reprendre en mariage, puisquatre ans plus tard son grand frère, puis trois ansplus tard son petit frère qui lui-même a informé sasœur, puis une de ses filles. Cet itinéraire permet decomprendre que chaque annonce s’inscrit dans descirconstances et répond à des motivations et desprécautions relatives à un contexte. Ceci conduit àaborder successivement les circonstances, les motifs,la temporalité, les modalités du partage et le choix dudestinataire, ces divers aspects ayant des implicationsméthodologiques.5.2. Les circonstances du partageLes recommandations de l’OMS proposent de préparerle partage du statut VIH avec un tiers parl’acquisition du vocabulaire médical et en définissantdes messages ; l’un des messages essentiels vise àconduire le destinataire de l’information à effectuer luimême un test VIH. Ainsi, le message transmis lors dupartage comporte-t-il une composante positive.Un partage rationnellement anticipé ?Les récits montrent que le partage du statut nes’effectue pas toujours dans un contexte favorable à unedémarche basée sur une anticipation de la recherche debénéfice pour l’individu et d’un message positif pour ledestinataire. Dans le cas d’Aicha, l’annonce de sonstatut VIH était plutôt due à l’obligation d’expliquer sespleurs à son beau-frère. Il ne s’agit pas d’une conduiterationnellement définie, mais d’une forme de communicationdominée par l’affect et probablement d’unedécision d’annoncer prise dans l’immédiateté. C’estaussi l’affect qui semble avoir déterminé l’attitude empathiquede son beau-frère au moment du partage, qui seprolongera par le soutien qu’il lui apporte ensuite.Le dévoilement à l’insu de la personneLes enquêtes montrent que les formes de circulationde l’information ont considérablement évolué depuisles premières études qui révélaient souvent que desprofessionnels de santé annonçaient le statut VIH à untiers avant d’en informer la personne concernée. Destiers peuvent cependant être informés contre lesouhait de la personne. C’est le cas de Moussa, 72ans, qui sait que les enfants d’une de ses ex-épouses,elle-même informée, connaissent son statut VIH car ilslui manquent de respect :Pour les repas, ma fille me pose juste le bol dans machambre sans m’adresser la parole. C’est moi-mêmequi fais le ménage de ma chambre, je lave mes habitsmoi-même. Elles n’ont aucun contact avec moi, mêmemon fils se comporte ainsi avec moi.D’un point de vue méthodologique, Moussa n’a pas« partagé » avec ces personnes, ce qui ne l’a pasprotégé d’une forme de stigmatisation. Dans son cas etvis-à-vis de ces dernières, le partage du statut sérologiquen’était bénéfique ni à lui-même ni aux tiers.204

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