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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-2Lipodystrophies : perceptions et souffrance des personnes atteintes, réponses collectivesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012Cette dé-socialisation est sélective, même pour lespersonnes qui semblent le plus souffrir de leurs lipodystrophies.Ainsi Aïcha indique que cela n’affecte pas sesrelations dans sa vie professionnelle, car :« là où je vends le petit déjeuner, les gens ne meconnaissaient pas, peut-être qu’ils vont penser quej’ai toujours été comme ça. Ils ne pourront pas sentirle changement. Ce sont ceux qui me connaissaientqui me font ce genre de remarque. »Aïcha a aussi sélectionné ses relations en fonctiondes discours des personnes sur la lipodystrophie :« Mais j’ai une amie, chaque fois que je lui dis que j’aimaigri et que les gens ne cessaient de me le répéter,elle me dit ‘N’écoute pas les gens, tu n’as pas maigri àce point…’ Elle ignore mon statut. Elle me dit que c’estnormal avec l’âge et ce n’est pas très visible… »La sélection dans les relations sociales que leslipodystrophies conduisent à opérer est particulière :elle dépend de la proximité sociale et de la fréquencedes relations avec les tiers.« Je viens de Kaolack avant-hier, j’étais partie pourun mariage, mais lorsque je suis arrivée, ceux qui meconnaissaient et qui ne m’ont pas vue depuis longtempsme demandaient ce qui n’allait pas, les gensdisaient « hé dom luladiot ? » « Oh ma fille qu’est-ceque tu as ? » (Aicha).On se méfie d’eux particulièrement lorsque lesrelations sont peu fréquentes mais la proximité estimportante, car ces personnes sont plus susceptiblesde percevoir et d’exprimer sans gène le changementlié à la maladie ou au traitement ; on s’éloigne ausside ceux avec lesquels la proximité sociale est moinsgrande, parce que les liens préexistants soint moinsétroits et ne « font pas le poids » dans la mise enbalance avec la volonté d’éviter tout risque de commentaire; dans certains cas, comme celui d’Aïcha lacrainte de la stigmatisation conduit à un repli de lapersonne sur son foyer.L’entretien de l’apparence physiqueAmina explique que le physique est important. Elleintervient d’aileurs dans une association auprès desjeunes femmes pour leur dire qu’il est essentiel deveiller à son apparence. « Si j’avais vraiment lesmoyens, j’allais réparer mes dents, mon visage…(rires)… Si tu es dans certaines conditions, personnene pourra douter de ta sérologie. C’est pourquoi nousinsistons beaucoup sur une hygiène de vie despatients. C’est-ce que nous leur répétons chaque fois.Nous leur demandons d’être coquettes. De ne pas senégliger à cause de la maladie. C’est pourquoi, lorsquetu les vois, tu ne doutes même pas d’eux... »Comme elle, d’autres personnes évoquent la nécessitéde soigner son apparence, comme si unepersonne bien habillée et au physique impeccable nepouvait être perçue comme malade et était à l’abri du« doute ». Cette observation pourrait être le reflêtd’une préoccupation de premier plan dans la sociétésénégalaise où celui qui « dépense pour sa toilette »est considéré comme une personne qui « serespecte », sait maintenir une image en phase avecdes valeurs. Elle montre aussi, en négatif, quel’image d’une personne malade comme ayant déchude son statut social est encore sous-jacente auxreprésentations des personnes interrogées.L’interruption du traitement par le patient« En fait, moi je suis resté presque six mois sans prendreles médicaments. » L’une des personnesinterviewées explique qu’en l’absence de réponse deson médecin ou de solution médicale, elle a interrompula prise de son traitement pendant six mois pour empêcherl’aggravation de sa lipodystrophie. Ceci n’est passa seule plainte : « Quand je prends les médicaments,je suis plus stressé, en plus je manque d’appétit. Lorsde la dernière enquête, j’avais demandé à ce qu’on memette en rapport avec la psychologue, mais jusqu’àprésent rien n’a été déjà fait… »Outre les besoins en soutien psychologique, sespropos illustrent la manière dont se construisent lesreprésentations du traitement et de ses effets secondaires,notamment par l’interprétation de l’évolutionclinique des autres personnes traitées simultanément: « C’est vrai que j’avais voulu prendre les médicaments,mais depuis que j’ai vu un copain qui lesprend, ça m’a découragé. Il était gros, gonflé à causedes médicaments. C’est ce qui m’a découragé. Jen’ai pas envie de grossir à ce point… quand je l’ai vu,j’ai même eu peur… ».Les soignants additionnent les précautions. Aïcharésume en quelques mots la manière dont un médecinde l’ISAARV combine plusieurs stratégies poursimultanément limiter l’aggravation de la lipodystrophieet traiter sa perception par la personne qui enest atteinte :« Il m’a conseillé de diminuer les soucis. De prendredes médicaments et surtout de ne pas écouter ceque disent les gens. »135

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