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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE VI-5Le mariage, entre souhait et obligationird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012valable. Le recouvrement de la santé repositionne unePvVIH sur le marché matrimonial.L’entourage s’étonne lorsque la personne ne parle pasde mariage puisqu’à un certain âge la société considèrecomme incontournable ce changement de statut. Dessuspicions peuvent apparaître : un homme est suspectéd’impuissance, une femme est suspectée de possession(faru rab). Les refus répétés des propositions demariage peuvent alors générer une incompréhension,voire susciter une sanction du groupe social qui peutêtre diffuse ou explicite : mise à l’écart, exclusion dudomicile, ou toute forme de « déconsidération ».Ces sanctions se justifient par la norme de socialisationuniformisante des membres d’une même génération,qui contribue à la perpétuation du groupe et de la famille.Pour faire preuve de sa pleine et entière participation augroupe social, l’individu doit franchir des étapes successives,le mariage constituant une de ces étapes. Pourles PvVIH, le mariage peut être considéré comme unsymbole de normalisation. Mais pour y parvenir,confrontées à des normes sociales de choix du conjointexigeantes, les PvVIH doivent mettre en place desstratégies qui ne réussissent que rarement.La législation sénégalaise aide-t-elle les PvVIHconfrontées à des normes et injonctions sociales enpartie contradictoires ? Dans un contexte où la loicondamne ceux qui n’auraient pas informé leur partenairede leur séropositivité, se pose la question desconséquences de la pression sociale au mariage quipeut pousser des PvVIH qui ne sont pas prêtes à communiquerleur statut à contracter une union sans eninformer leur conjoint. L’obligation légale du partageavec le partenaire va-t-elle décourager encore davantageles mariages ? La loi soulève aussi la questiondes modalités de production de la preuve quel’information a été ou non partagée au sein du couplemarié. Enfin, le sens de cette disposition est questionnépar les nouvelles données concernantl’efficacité de la prophylaxie médicamenteuse.8. CONCLUSIONLe mariage reste une institution centrale de la sociétésénégalaise. S’il apparaît comme une injonctionsociale autant qu’une volonté individuelle, c’est aussile cas pour les PvVIH.Néanmoins les PvVIH se trouvent face au mariagedans une situation presque impossible à tenir : le seulmode de prévention qu’elles connaissent – le préservatif– a une charge sémantique qui le rend peu compatibleavec le mariage : marqueur de l’infection à VIH,contraceptif, symbole de relations sexuelles ponctuelles(prostitution, relations sexuelles hors mariage,etc.). Les connaissances médicales à propos de laquasi absence de risque de transmission du VIH soustraitement antirétroviral efficace ne sont pas appropriéespar les PvVIH. Aussi, la plupart s’auto-excluentd’une possibilité de mariage, ou recherchent un(e)conjoint(e) séropositif. La plupart des PvVIH n’ont paspartagé leur statut VIH avec leur entourage, au-delàde quelques proches. N’étant plus physiquementmalades, elles ne peuvent pas mettre en avant desmotifs légitimes de refus du mariage ; aussi les tierssont peu indulgents à leur égard, et les soumettent àune pression au mariage de plus en plus pesante.Les contraintes liées au VIH et les normes de sa sociétéen matière de mariage sont-elles compatibles pour lesPvVIH ? La valorisation du mariage au sein de lasociété, la difficulté de s’inscrire dans un célibatprolongé voire définitif (cf. Adjamagbo, Antoine et al.2004), le refus de partage de l’information sur le statutsérologique avec son entourage de peur d’être stigmatisé,condamnent nombre de PvVIH à vivre solitairementleur maladie. La seule porte de sortie de cette situation« d’impasse sociale » semble être la prise en comptedes nouvelles possibilités de prévention médicamenteusede la transmission du VIH. En termes de santépublique, cela implique que pour dépasser la situationactuelle de discrimination au mariage, l’accès auxantirétroviraux doit être garanti à tous, et le niveau desconnaissances des PvVIH sur la prophylaxie médicamenteuse(TasP) doit être amélioré.9. REFERENCESAdjamagbo A., Antoine P., Dial F.-B. (2004), Le dilemme desDakaroises : entre travailler et « bien travailler », in M.C. Diop(éditeur), 2004, Gouverner le Sénégal : entre ajustement structurelet développement durable, Paris, Karthala, p. 247-272.Antoine P., Dial F.-B. (2005), Mariage, divorce et remariage àDakar et Lomé, in Vignikin Kokou et Vimard Patrice (dir.), Famillesau Nord, Familles au Sud, p. 205-232, Academia-Bruylant,Louvain-la-Neuve, 689 pANSD, 2006, RGPH 3 – Rapport national de présentation desrésultats définitifs /ANSD /Décembre 2006,http://www.ansd.sn/publications/rapports_enquetes_etudes/enquetes/RGPH3_RAP_NAT.pdf (consulté le 2 mai 2012).Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD)[Sénégal], et ICF International. 2012. Enquête Démographique etde Santé à Indicateurs Multiples au Sénégal (EDS-MICS) 2010-2011. Calverton, Maryland, USA: ANSD et ICF International.Dial F. B. (2008), Mariage et divorce à Dakar : itinéraires féminins,Paris-Dakar, Karthala, CREPOS.Diédhiou P. (2009), Terre, fiançailles et mariage en milieu Ajamattraditionnel, Revue de Sociologie, d’Anthropologie et de Psychologie,n° 01 – 2009.251

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