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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE III-2Lipodystrophies : perceptions et souffrance des personnes atteintes, réponses collectivesird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012aux traitements occasionne une souffrance, commedans le cas d’Awa :« Pas plus tard que ce matin, en venant, une femmequi, je suis sûre, est beaucoup plus âgée que moi,m’appelle Tata… et quand je me suis retournée çam’a fait très mal. Je ne peux pas être sa tante ».Ces marques physiques ou sociales de l’âge constituentd’autant plus un problème que certaines obligationssociales n’ont pas été accomplies à l’âge auquel ellessont attendues. La maternité est au premier plan de cesobligations ; la lipodystrophie qui donne à Awa l'apparenced’une femme enceinte la perturbe beaucoup,dans sa condition de femme célibataire à 36 ans.La lipodystrophie peut ainsi être vécue comme untrouble de la temporalité biographique ; elle peut aussiconstituer un trouble de l’identité –comme c’est le caspour Omar dont la gynécomastie semble perçuecomme un trouble de l’identité de genre. Une lipodystrophieest parfois interprétée comme l’indice d’un troubledes relations de couple ou de la place socialementassignée.Bien que mal identifiées dans les représentations collectives,les lipodystrophies sont donc le support d'interprétationsconcernant la vie des personnes atteintes dansplusieurs de ses dimensions essentielles : biologique,psychologique, sociale. On peut considérer sans risquede surinterprétation semble-t-il au vu des propos despersonnes enquêtées, qu’elles touchent à l’identité (11),alors qu’elles ne sont pas –ou pas encore- le support dereconstructions identitaires « positives », comme l’a étél’infection à VIH dont le stigmate a été « renversé » parl’intervention associative.5.2 Les significations des lipodystrophiesdans le système de soinsLa plupart des patients interrogés ont suivi un traitementpar Crixivan, Videx ou Zerit, qui a été interrompuplusieurs années avant la réalisation des entretiens.L’étude explore donc l’expérience et les perceptions delipodystrophies résiduelles, des séquelles ayant peu dechances de disparaître lorsqu’elles sont encore présentesplusieurs années après le changement de traitementet en l’absence de thérapeutique spécifique.Les perceptions du trouble dans la relation de soinsLa « sous-déclaration » des lipodystrophies par lesmédecins que révèle la comparaison entre les résultatsde l’étude menée par des nutritionnistes et lesdiagnostics cliniques est-elle un effet d’une tolérancedu trouble par les personnes qui en sont atteintes ?L’enquête montre la grande variété des perceptions,qui peut, pour des tableaux cliniques similaires,conduire certains patients à un état dépressif alorsque d’autres ne semblent pas avoir remarqué lecaractère anormal de leur atteinte. Les déterminantsde cette sensibilité ont cependant été identifiés(morphologie générale, localisation et forme dutrouble, etc).Le trouble n’est pas d’emblée aisément perceptible car ils’exprime par un changement graduel localisé de laforme du corps déjà altérée par l’infection à VIH. Lespropos d’un certain nombre de patients interrogés surles conseils reçus auprès de leur médecin montrentqu’ils rapportent des conseils probablement destinés àtraiter ou prévenir un amaigrissement global. Leslipodystrophies n’étant pas très sensibles à des conseilshygiénodiététiques usuels, les propos des patientsreflètent une absence de distinction dans les réponsesmédicales entre gestion du poids et gestion des lipodystrophies–en dehors du changement de traitementantirétroviral- qui a peut-être pour substrat la volonté dela part de médecins de rassurer le patient en banalisantle trouble, en plus de l’impuissance à proposer unethérapeutique spécifique.Les propos des personnes atteintes montrent quecertaines d’entre elles éprouvent beaucoup de souffrance,du fait du risque d’identification de l’infectionà VIH, mais plus souvent du fait de questionnementssur l‘état de santé et de l’atteinte de l’image de soi. Ilssemblent montrer un auto-stigmatisation plussouvent qu’une stigmatisation par les tiers, aussiinvalidante. Aussi l’expérience des lipodystrophiesest-elle largement dépendante de dimensionspsychologiques : la manière dont elles sont éprouvéessemble révélatrice d’états dépressifs qui nesont pas tous réductibles à leur composante réactionnelleà l’atteinte morphologique. Simultanémentfacteur et marqueur de dépression, les lipodystrophiessemblent constituer un signe d’appel qui, d’unpoint de de vue médical et au vu des récits despersonnes que nous avons interrogées, devraitorienter vers une exploration en santé mentale. Lesréponses qui leur sont apportées sont limitées par lesinsuffisances du dispositif de prise en charge enmatière de santé mentale.La dynamique des représentationsdans le « secteur communautaire »A propos de l’image sociale du trouble (« sickness »selon la conceptualisation de Kleinman), les lipodys140

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