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Bernard Taverne, Alice Desclaux, Papa Salif Sow

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CHAPITRE IV-3Le partage de l’information sur son statut sérologique dans un contexte de polygamieird-00718213, version 1 - 16 Jul 2012enfant avec lui avant de lui en parler. C’est pour celaque j’ai fui la structure, j’ai changé mon numérojusqu’à ce que je tombe enceinte et là je suis finalementrevenue. »Au début de l’accès aux ARV, en 1998, le partage del’information avec un membre de la famille était essentiellementmotivé par la nécessité d’un soutien financierpour assurer le paiement du traitement ARV. Lesentretiens effectués avec le premier groupe despersonnes interrogées à partir de 1998 révèlent qu’àce moment la majorité d’entre elles (21 sur 25) ontpartagé l’information sur leur statut sérologiqued’abord pour bénéficier d’un soutien : onze d’entreelles ont informé un membre de la famille, neuf ontpartagé avec le conjoint, quatre n’ont parlé avecpersonne. Toutes les personnes qui ont informé unmembre de leur famille étaient soit des femmesveuves, des hommes célibataires ou des femmesmariées sans ressources, qui ont expliqué l’avoirannoncé surtout pour négocier un soutien régulierpour le paiement de leur contribution financière pour letraitement ARV. C’est le cas de Abdoulaye, 28 ans,sans emploi, soigné depuis deux ans dans la structuresanitaire avec le soutien de sa famille sans qu’aucunmembre ne soit informé de la réalité son statut VIH.Pour bénéficier des ARV, il partage l’information avecson beau-frère, époux de sa cousine, pour obtenir unsoutien financier sur les conseils de son médecin et del’assistante sociale. Il raconte son expérience ainsi :« Le médecin m’a dit qu’il fallait obligatoirement parler àun membre de la famille qui avait les capacités financièresde m’aider, j’en ai parlé à mon beau-frère qui estdirecteur, il a accepté de me soutenir mais il en a parlé àsa femme qui l’a répété à ma tante qui en parlé à toutela famille. Tout notre entourage ne parlait que de mamaladie. Cela m’a fait extrêmement mal. Si j’avais eu lesmoyens, je n’en n’aurai jamais parlé à personne ».Amadou, 50 ans, cadre au chômage, a opposé unrefus catégorique au médecin qui lui a proposé departager l’information avec sa sœur, infirmière :« Je ne veux pas qu’on lui parle, mais le médecinrevient tout le temps sur ça sous prétexte qu’elle estdu corps médical alors que je sais qu’elle le prendraittrès mal, et j’aurais encore plus honte ».Le partage de l’information est apparu comme « unecondition préalable à l’obtention de l’aide » et un «incontournable contre don » ou « prix à payer » pourl’obtention d’une aide (<strong>Sow</strong>, 2002). Les quatre patientsqui avaient gardé le secret parvenaient à assurerseuls la charge financière de leur traitement.3.4. Garder le secret pour se protégerLe partage de l’information sur le statut VIH estredouté surtout pour les comportements de rejet,d’évitement ou d’exclusion. Les femmes séropositivesredoutent une déstabilisation de leur ménage quecette information pourrait provoquer, ainsi que lesconflits et suspicions qui pourraient en découler.Certaines femmes informées de leur statut sérologiqueau cours de leur grossesse se sentent trop vulnérableset ne s’estiment pas suffisamment fortes pouraffronter à la fois les effets physiques, les contraintesdu suivi de la grossesse et celles du partage del’information avec le conjoint. Les femmes craignentégalement que leur propre statut soit divulgué sansqu’elles soient assurées que leurs conjoints acceptentde se faire dépister. Certains hommes sans ressourcesfinancières suffisantes, déjà confrontés à desdifficultés pour assurer régulièrement les dépenses deleur ménage, craignent que la diffusion de cette informationne détériore leurs relations tendues avec leursconjointes et qu’ils ne puissent assurer les coûts liés àune prise en charge adaptée. D’autres craignent queleurs épouses ne « tiennent pas leur langue ».Des risques de rupture conjugale, de peur, ou de pitié oud’aggravation de conflits préexistants qui les vulnérabiliseraientdavantage sont redoutés par les patientshommes et femmes. L’absence de partage del’information avec un conjoint peut également être dûaux conseils d’un autre membre de la famille ou à unproche informé qui assure un soutien suffisant tout ensouhaitant éviter la diffusion de l’information au sein dela famille élargie. L’absence de partage de l'informationpeut aussi être renforcée par la perception d’une protectionpar l’obligation de secret médical qui régit les professionnelsde santé. Ces derniers ont expliqué à leurspatients qu’ils n’ont pas le droit d’annoncer l’informationles concernant à leur conjoint sans leur propre consentement.Cette perception est confortée par toutes lesstratégies et mesures de préservation de la confidentialitéinhabituelles observées généralement par lessoignants spécifiquement lors de leurs consultationsconcernant le VIH : counseling pré-test, recherche deconsentement, annonce individuelle dans un local généralementfermé, assurance de la préservation de laconfidentialité, évitement des conversations évoquant leVIH en présence des collègues…3.5. Les motifs personnels du partage : êtresoutenu et comprisLorsque l’annonce n’est pas directement induite par lesystème de soin, les autres motivations du partage del’information concernant le statut VIH peuvent être la222

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